24 Août 2014
C'était aujourd'hui le dernier jour d'ouverture de Pando, le célèbre kaymakçı de Beşiktaş à Istanbul, et l'occasion d'y déguster de délicieux petits déjeuners et surtout le kaymak-bal, en l'occurrence de la crème de lait épaisse et onctueuse nappée de miel de fleur.
En 1895, la famille Şestakov, qui a émigré de Manastir en Bulgarie à Istanbul, décide d'ouvrir en plein coeur du quartier commerçant de Beşiktaş cette adresse qui allait devenir ces dernières décennies une parmi les plus courues de la ville en la matière.
A l'époque, il y a beaucoup de "kaymakçı" en ville, que ce soit à Bebek, à Rumeli Hisarı, à Kabataş, à Fındıklı ou à Tophane. Tous vendaient du lait, du kaymak, des yaourts et du beurre.
Il y a 91 ans naissait Pando, dans une petite rue de Beşiktaş située à quelques pas du magasin.
En 1958, c'est lui qui reprend les affaires de ses parents et grands-parents en compagnie de sa délicieuse épouse Yuhanna. Du temps de son père, la boutique s'appelait Hayat süthanesi et c'est la population qui finit par lui donner son nom actuel de Pando kaymak.
Les 3-4 tables à l'intérieur et les quelques autres nombreuses en terrasse sont toujours occupées, été comme hiver. On vient parfois de loin pour s'y attabler.
Hélas, le local ne leur appartient pas et Pando se retrouve aujourd'hui expulsé par le propriétaire des lieux. Ce dernier n'a pas accepté la proposition de doublement du loyer faite par son locataire et préfère sans doute laisser la place à une marque étrangère dont il profitera bien plus...
La mobilisation des réseaux sociaux ainsi que du groupe de soutien qui s'était formé autour du couple n'y ont rien changé.
Avant l'ultime baisser de rideau, les fidèles se sont donné rendez-vous en masse aujourd'hui pour une dernière dégustation et pour assurer Pando de leur amitié.
La file d'attente ne désemplit pas dans la rue et nombreux sont ceux qui emportent avec eux un paquet rempli de kaymak préparé avec amour par Yuhanna.
Malgré son âge avancé, Pando veille, comme à son accoutumée, à ce que tout se passe bien au niveau des commandes et du service.
Le verbe haut, le regard furetant en permanence autour de lui, une serviette sur l'épaule et un verre de thé à la main, il mène de mains de maître sa petite équipe qui a fort à faire.
Derrière la vitrine, Yuhanna jongle une dernière fois avec adresse entre les verres de lait froid ou chaud, les assiettes de kaymak et de miel ainsi que la caisse.
Pendant ce temps, en cuisine, on s'affaire pour préparer omelettes et oeufs cuits au beurre, nature ou au fromage, également des must de cette adresse.
Même si ces braves et charmants commerçants méritent bien leur retraite, il est triste de constater qu'une nouvelle page d'histoire se tourne aujourd'hui à Istanbul.
Il ne restera bientôt plus que le souvenir de telles enseignes uniques, appréciées par la population pour leur authenticité, la qualité de leurs produits et l'ambiance chaleureuse qui y règne.