7 Février 2016
Article publié dans LePetitJournald'Istanbul.com - Edition du 8 février 2016
A quatre reprises durant la dernière semaine du mois de janvier 2016, la pièce de théâtre “Les derniers oiseaux” - “Son Kuşlar” - tirée de l'oeuvre du même nom écrite par Sait Faik Abasyanık, et réalisée par Turgay Tanülkü, a été jouée devant les détenus de la prison-modèle T Tipi d'Ümraniye à Istanbul, réputée notamment pour les pièces montées et présentées sur place depuis plusieurs années par des prisonniers ainsi que pour ses différentes activités culturelles.
"Son Kuşlar" ("Les derniers oiseaux"), une pièce de théâtre présentée aux prisonniers de la centrale T Tipi d'Ümraniye fin janvier 2016
Le rôle principal est tenu par le célèbre acteur de cinéma, de feuilletons télévisés et de théâtre Turgay Tanülkü qui a lui-même été derrière les barreaux en 1970 à la prison Ulucanlar à Ankara, passage dont il parle lorsqu'il s'adresse à son public avant le début de la pièce : “J'avais un espoir ; si un jour je deviens acteur de théâtre, je reviendrai en prison.”
Cette pièce très humaniste évoque de façon simple mais juste et percutante la vie mais surtout les états d'âme des détenus dans les années 70-80, la nostalgie de la vie extérieure lorsqu'on est emprisonné : le printemps et l'odeur des fleurs, l'automne en voyant tomber les feuilles mortes, la neige, les chants des oiseaux, l'odeur et la chaleur du thé et du café, les odeurs, celles de ceux des êtres aimés lorsqu'ils repartent, tout ce qui était familier avant... et qui manque après...
“Les derniers oiseaux” est un projet social et culturel d'une durée de 3 ans réalisé grâce à la collaboration de la Direction Générale des Théâtres Publics et celle des Maisons d'Arrêt et de Détention.
Il a permis en 2015 de présenter cette pièce à 60 000 prisonniers dans 75 prisons turques de 25 villes de Turquie.
La première représentation a eu lieu le 14 février 2015 dans la prison Sincan à Ankara.
Depuis, toutes les semaines, la troupe se rend dans une autre maison d'arrêt et la représentation du 29 janvier à Ümraniye a été la 155ème.
En novembre dernier, la pièce fut présentée aux femmes détenues dans la prison de Bakırköy à İstanbul où se trouvent notamment 225 étrangères originaires de 52 pays différents. A l'heure actuelle, en plus d'activités sportives et socio-culturelles - telles la gymnastique, le basketball, le badminton, la danse folklorique, la miniature, le papier marbré, le théâtre, etc -, 18 cours de formation professionnelle – aide-cuisine, plonge, coiffure, soins du corps et maquillage, graphisme et projet assisté sur ordinateur, comptabilité informatique, etc - sont dispensés dans cet établissement pénitentiaire.
Chaque personne, lorsqu'elle sort de prison, est munie d'un certificat qui lui permet de trouver facilement du travail. De même, des cours de turc pour les étrangers et des cours d'anglais sont proposés.
Mi-janvier 2016, c'est à la prison “ouverte” de Maltepe à Istanbul que “Les Derniers Oiseaux” furent présentés durant quatre jours aux détenus. Cet établissement qui figure parmi les 54 prisons de ce type en Turquie – dont une pour femmes à Bozkurt/Denizli – constitue une transition et un tremplin important d'adaptation et de réinsertion comparé aux maisons pénitentières classiques dites fermées et le retour à une vie normale et active pour les détenus ayant reçu une condamnation maximale de 5 ans.
Sur place, la vie quotidienne des prisonniers se déroule dans un univers semi-ouvert sans barreaux. Ils travaillent dans un des ateliers de literie, de ferronnerie, d'entretien et de lavage de véhicules, de construction et de peinture, au lavomatique, à la boulangerie, en cuisine, au laboratoire photo,... ou encore à l'extérieur comme par exemple dans le magasin situé dans l'enceinte du palais de justice de Kartal.
Ce système repose sur la confiance et le travail des détenus, leur donne une formation et constitue pour eux une chance de se reconstruire : une solution efficace, tant socialement qu'économiquement qui mériterait d'être davantage développée en Europe...
Photos-souvenirs avec Turgay Könültü et des détenus de la prison d'Ümraniye après la présentation de "Son Kuşlar"
"Definename", une pièce de théâtre montée et jouée par des prisonniers de la centrale T Tipi d'Ümraniye à Istanbul
En guise de conclusion sur les oiseaux privés d'ailes et auxquels on réapprend à voler en Turquie à travers le travail mais aussi les arts et en particulier le théâtre, le club de théâtre de la prison T Tipi d'Ümraniye prépare avec l'actrice et réalisatrice Pınar Gordie une adaptation du roman “Pirinç Hanı” d'Özkan İrman qui sera présentée dans les tous prochains mois.
Mehmet Çıtak, directeur de la prison T Tipi d'Ümraniye à Istanbul et Pınar Gordie, réalisatrice de la nouvelle pièce de théâtre "Pırınç" en cours de montage dans la prison d'Ümraniye
Avec l'acteur Turgay Tanülkü, Mehmet Çıtak, directeur de la prison T Tipi d'Ümraniye, Pınar Gordie, réalisatrice de la nouvelle pièce de théâtre "Pırınç" en cours de préparation dans la prison d'Ümraniye et les membres du club de théâtre
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