22 Décembre 2007
Jusqu'à quand ce joyau de la Mésopotamie qu'est Hasankeyf sera là pour enchanter nos yeux ?
Le projet de barrage Illisu, faisant partie du programme Anatolie du Sud-Est (appelé communément GAP) menace l'avenir de ce lieu magique. Cet ouvrage de 80 km commencera près de Dargeçit pour se terminer à quelques kilomètres au-delà de Hasankeyf. L'eau dépassera de 15 m le pont actuel qui enjambe le Tigre et la citadelle ne sera plus qu'une île... de désolation d'ici 7 à 8 ans, à l'issue des travaux.
Près de 56 000 personnes résidant dans les 75 villages situés sur la trajectoire du barrage devront être déplacées et relogées par l'Etat turc. Les 3600 âmes de Hasankeyf (qui en comportait 5700 en 1997), moitié kurdes, moitié arabes, sont presque toutes nées et ont grandi ici, ceci depuis des générations.
Terminées les grillades à l'ombre des paillottes le long du Tigre ! Aux oubliettes les images inoubliables que sont les piliers de l'ancien pont seldjoukide !
Fini de contempler les cigognes qui viennent se nicher tout en haut du minaret de la mosquée El-Rizk et la vue qui se dégage du portail de cette-ci !
Dire que tous les ans, des archéologues découvrent encore ici de nouvelles traces laissées par les civilisations passées !
La photo du monument ci-dessous qui pourrait être un ancien hamam, les restes de la mosquée Sulayman (XIIIème - XIVème) au centre du village, ainsi que tous les vestiges les plus importants devraient être déplacés sur les hauteurs d'une colline située sur l'autre rive du fleuve et devenir un musée de plein-air.
Mais rien ne sera plus comme aujourd'hui, Hasankeyf est un lieu unique en son genre !
Les habitants sont profondément attachés à leurs racines. Ils sont tous nés ici, y ont grandi et y vivent pour la plupart encore.
Ils vont être indemnisés par l'état et relogés dans des cages à lapins, sans doute, comme celles que j'ai eu l'occasion de voir dans le village d'Halfeti englouti partiellement en 2000 lors de la construction du barrage Atatürk.
Les villageois, comme mon ami Ömer, seront déplacés comme de vulgaires pions, dans les 2 à 3 ans à venir. Cet homme de 42 ans est né dans une grotte de la citadelle et y a habité jusqu'à l'âge de 7 ans avant d'être obligé par l'administration à quitter les lieux avec sa famille pour vivre au village.
Une mobilisation générale s'est mise en place, composée du Maire de Hasankeyf, de 56 autres élus représentant les communes concernées, des scientifiques, des ingénieurs et des ONG, relayée par les médias nationaux et internationaux.
Une revue mensuelle turque a organisé, outre ses articles réguliers sur le site, deux déplacements avec le train « Fidélité à Hasankeyf » au départ d’Istanbul en 2005 et fin août 2007 avec à son bord environ 400 sympathisants.
Ce dernier barrage du projet GAP verra sans doute le jour, bien que ce soit le seul des 22 que compte le projet global qui ait résisté jusqu'à aujourd'hui. Hasankeyf me fait penser à ce village habité par Astérix et Obélix, ce village d'irréductibles qui refuse de se laisser prendre par la Gaule !
Pour ma part, je vais tous les ans, faire mon "pélerinage" sur place, prendre des centaines de photos, discuter avec les amis que je me suis fait en 4 ans, prendre le pouls de mon endroit préféré en Turquie.
Durant la leçon d'anglais à l'école primaire Atatürk
Jolies fillettes de Hasankeyf
Tous ceux qui me connaissent ont appris à connaître Hasankeyf, car ce lieu fait partie de moi, de ma nouvelle vie ici. C'est un attachement très fort que je lui porte et je pense souvent à ces nombreux enfants qui vont vivre un déchirement, tout comme leurs parents.
A la sortie des cours