En décembre 2007, peu de temps après le démarrage de mon blog, j'avais publié deux articles sur Hasankeyf qui est et restera toujours mon grand "coup de coeur". J'ai souhaité, dans la limite du possible, parler de cette petite ville dans le journal "Aujourd'hui la Turquie" et vous trouverez ci-dessous le résultat de cette publication.
Bon voyage !
Article publié dans le journal "Aujourd'hui la Turquie" de mars 2008
Sur la route qui mène de Batman à Mydiat, dans le sud-est de la Turquie, j’ai découvert en septembre 2004 une perle inestimable qui a pour nom Hasankeyf. Cette petite cité au bord du Tigre, à une trentaine de kilomètres au sud-est de la ville de Batman, dans le Sud-Est de la Turquie, ne peut laisser personne indifférent.
Plusieurs milliers de grottes troglodytiques habitées depuis la nuit des temps et disséminées des deux côtés du fleuve, attirent immédiatement le regard.
Une arche et trois piliers sont les seuls restes du vieux pont érigé par un seigneur artukide au début du XIIème siècle et témoignent de la grandeur de l’édifice de l’époque.

De l’autre côté du Tigre, à la sortie du village, le tombeau de Zeynel Bey revêtu de céramiques turquoise date de 1450 ; c’est le seul monument de ce type encore existant en Anatolie. Des fouilles entreprises en 2004 et 2005 autour du türbe par l’équipe du professeur Abdusselam Uluçam, célèbre archéologue, ont permis de mettre à jour les traces des deux medreses ainsi que d’un han et d’un hammam, lieux utilisés jusqu’à la fin du XVIIIème siècle.

Au centre du village, les restes de la mosquée Sulayman (13e - 14e) sont situés dans un périmètre clos où de nombreux vestiges émergent çà et là, laissant libre cours à votre imagination quant à la vie passée sur ces lieux.

Sur le chemin qui mène à la citadelle se trouve la mosquée el-Rizk bâtie en 1409 par un sultan Ayyoubide. Son minaret est richement décoré et le haut est couronné d’un nid de cigognes qui accueille les échassiers pour la nidification.

La citadelle construite par les Ayyoubides au XIIIème siècle surplombe le cours d’eau de ses 150 m de haut. Elle abrite entre autres les restes de l’Ulu Camii, un cimetière et une partie des nombreuses grottes. L’accès y est assez difficile, les pierres lisses et glissantes, mais la récompense qui attend le visiteur vaut bien la peine. Une vue absolument magique à la fois sur le village, le célèbre fleuve au cours tranquille qui serpente et le silence qui permet d’apprécier pleinement la beauté du site.
Les deux dernières familles qui vivaient encore dans des grottes de la citadelle ont du descendre au village il y a un peu plus d un an. Le berger et les troupeaux occupant aussi les lieux ont été également interdits de séjour, le site comportant de plus en plus de risques de chutes de pierre.
Pour se remettre des émotions vécues durant cette rencontre avec des siècles d’histoire, une halte s’impose au bord du Tigre, à l’ombre d’une paillotte, pour déguster une brochette ou un poisson pêché dans le fleuve avant de siroter son thé en admirant encore cet environnement absolument unique.
Hasankeyf ne recevait encore il y a quelques années que la visite de touristes locaux ; en raison de sa soudaine (et non-souhaitée) popularité, des yeux ébahis du monde entier découvrent une beauté insoupçonnée, une splendeur qui risque de disparaître…
En effet, le projet de barrage Ilısu faisant partie du programme Anatolie du Sud-Est (appelé communément GAP), menace l’avenir de ce joyau. Cet ouvrage de 80 km commencera près de Dargeçit pour se terminer à quelques kilomètres au-delà de Hasankeyf. L’eau dépassera de 15 m le pont actuel qui enjambe le Tigre et la citadelle ne sera plus qu’une île… de désolation d’ici 7 à 8 ans, à l’issue des travaux.
Un projet de déplacement des principaux monuments sur une colline de l’autre rive pour devenir un musée à ciel ouvert devrait permettre de sauver un maximum des vestiges laissés par les siècles d’histoire.