2 Avril 2008
Article publié dans le journal "Aujourd'hui la Turquie" d'avril 2008
J’ai pris contact il y a quelques semaines par mail avec Alp Alper en apprenant qu’il faisait des photos aériennes de la Turquie et que son livre allait sortir bientôt.
J’ai souhaité le rencontrer à l’occasion de sa récente venue à Istanbul et il m’a convié à l’inauguration de son exposition qui a eu lieu à l’Odakule de Beyoğlu durant la première quinzaine de mars.
Photo B.M.
J’ai immédiatement été conquise par sa gentillesse, son naturel… et sa touche de folie qui caractérise les gens passionnés.
Né à Ankara en 1965, il vient s’installer à Istanbul en 1991 après une scolarité complète dans la capitale. L’année d’après, il entre chez Turkish Airlines comme « flight dispatcher ». A ce moment-là, il porte un regard nouveau sur sa vision de la terre vue du ciel, toute différente de celle qu’on a en temps normal.
En 1999, toujours pour la compagnie aérienne turque, il se retrouve comme « station manager » et c’est le 17 août de la même année qu’a lieu le dernier plus grave tremblement de terre en Turquie. Sa décision est prise !!! Il faut immortaliser toutes les merveilles de ce pays tant qu’elles sont encore visibles, le pays étant en zone sismique à risques, tout peut disparaître en quelques secondes.
En septembre 1999, il monte plusieurs équipes de personnes qui croient dans son projet pour sillonner la Turquie redécoupée en 5 parties : la mer Egée, la mer Méditerranée, la mer Noire, l’Anatolie centrale et l’Anatolie orientale.
Il s’agit d’abord de recenser sur une période de 4 mois en passant par la voie terrestre tout ce qui est susceptible d’être photographié par la suite : sites antiques, églises, citadelles et tous autres lieux historiques possibles et inimaginables.
Après un premier tri et une sélection d’endroits, toutes ses équipes retournent sur place pour effectuer des relevés GPS précis.
En 2000, les régions Egéennes et Méditerranéennes sont survolées en parapente et photographiées. En 2001, c’est au tour de l’Anatolie Centrale et de la Cappadoce mais en montgolfière.
Pont qui enjambe le Bosphore - photo Alp Alper
En 2002, retour côté égéen en avion pour 3 personnes au-dessus des sites de Bergame, Pamukkale, Aphrodisias,…
2003 est une année difficile pour le survol de l’Anatolie orientale. Un an de tractations pour obtenir les autorisations de survol de ces zones sensibles pour finalement avoir le droit de voler… mais pas d’être ravitaillé sur les aires d’envol et d’atterrissage…
Village englouti de Gümüşkaya près de Halfeti - sud-est de la Turquie
Pour mener à bien le projet, une seule solution : un avion avec 3 personnes (Alp, un pilote et un assistant) et au sol un camion-citerne et une équipe technique composée de 5 personnes. Durant un mois et demi, l’avion et le camion avancent en simultané. Deux incidents qui auraient pu très mal se terminer sont à déplorer durant cette période noire : l’un au-dessus de Mardin où l’avion est à deux doigts de s’écraser suite à la défaillance d’une pompe de ravitaillement en kérosène et à Batman, une tempête dévie la trajectoire de l’avion de près de 50 m lors de l’envol qui se termine … pratiquement dans des pylônes électriques.
En 2004, c’est au tour de la Mer Noire d’être survolée à l’aide d’un hélicoptère et en 2005, la Thrace, Edirne et Istanbul en parapente ferment la marche.
Sainte-Sophie vue du ciel par Alp Alper
Durant ces 5 années, c’est Alp qui finance tout de sa poche en sacrifiant sa propre maison, aucune demande de sponsoring n’ayant aboutie faute d’être un tant soit peu connu … et reconnu dans son projet. Seuls, les gens de son équipe croient heureusement en lui !
En 2005, il se retrouve une dizaine de jours à l’hôpital après un déboîtement de la cheville et c’est là que deux personnes viennent le voir, ayant eu vent de son projet… pour lui proposer de venir publier le livre prévu. La première publication sort en grec (cherchez l’erreur !) fin 2005 mais Alp ne voit jamais la couleur de ses droits d’auteur.
Finalement, c’est encore sur ses derniers propres deniers que le 1er mars 2008 verra la publication « The dreamscape Türkey ». Comme il se plaît à le dire, « un livre est immortel tout comme les photos qu’il contient ! »
Alp n’est pas amer, il est allé au bout de son rêve, de sa passion et laisse ainsi un héritage derrière lui. Il espère toutefois bien qu’à présent, des sponsors sérieux croiront en lui pour mener à bien ses nouveaux projets :
- publier ce livre en langue française auprès d’une maison d’édition connue et reconnue
- un recueil uniquement sur Istanbul pour 2010 à l’occasion de « Istanbul capitale culturelle européenne » qui devrait regrouper toutes les vues prises entre 2003 et 2008
- un autre sur la Cappadoce
- un dernier sur la Mer Noire uniquement.
Je lui souhaite de réussir car il le mérite pour la part de rêve et d’immortalité qu’il nous fait partager.
Son livre est disponible pour l’instant dans les boutiques D & H et les bonnes librairies d’Istanbul.
Les photos publiées dans l'article et sur ce billet ont été mises gracieusement à disposition par Alp Alper