2 Juin 2008
Article publié dans le journal "Aujourd'hui la Turquie" du mois de juin 2008
Cet instrument de musique est sans doute un des plus anciens au monde. Les premières ont été recensées en Inde et remonteraient au 3ème siècle avant J.C.
La première cymbale turque a vu le jour en 1623 à Samatya, un quartier plutôt chrétien d’Istanbul situé sur la rive européenne près de la mer de Marmara.
J’ai voulu en savoir plus sur cet instrument de musique connu et utilisé par tous les batteurs.
Me voilà donc partie pour Esenyurt, à la sortie d’Istanbul en direction de la Thrace. Dans une zone industrielle où la plupart des entreprises réparent des véhicules de toutes marques, l’enseigne que je cherche « Istanbul Mehmet ».
Six ou sept fabricants, tous basés à Istanbul, se partagent la fabrication de cet illustre instrument fabriqué à base d’un alliage de cuivre et de bronze fondu en transformé en fine galette de différents tailles, de 8 à 24 pouces. La plupart sont de type « handmade », ce qui sous-entend une finition effectuée à la main. Cette spécificité lui a donné sa réputation, certains autres produits fabriqués dans des pays différents n’étant pas terminés manuellement.
Une machine cylindre les pièces, une autre permet de faire l’ouverture centrale. Chaque future cymbale est pesée et arrondie en fonction de la commande. C’est un travail minutieux car chaque exemplaire aura un poids, une taille, une sonorité différente selon les besoins du batteur.
Dans la même pièce se trouve un four dans lequel peuvent cuire jusqu’à cinquante cymbales superposées. La cuisson dure environ 5 mn, parfois plusieurs passages sont nécessaires pour obtenir la configuration nécessaire.
Aussitôt le passage en four terminé, chaque cymbale est plongée quelques secondes dans un bassin d’eau froide attenant qui rigidifie les pièces.
Le four dans lequel s'entassent les galettes qui vont se transformer en cymbales...
Dans la pièce suivante, un bruit permanent et sourd ! C’est là qu’un premier artisan va tourner chaque cymbale durant environ 2 minutes pour lui donner la brillance désirée.
Le second va lisser les contours particulièrement tranchants et le suivant travaillera l’épaisseur de l’instrument selon la commande du client.
A côté du poêle, chacun apporte sa contribution
Lissage
Séance d'affinage
C’est ensuite au tour d’un marteleur qui va taper en moyenne entre ½ h et 1 heure sur la cymbale pour lui donner la sonorité qui fera d’elle sa spécificité.
On ne devient pas marteleur à l’école, le métier s’apprend sur le tas, comme pour chaque autre étape de fabrication. Il nécessite de la doigté, de l’oreille, de l’amour surtout pour le produit abouti qui arrivera entre les mains des plus habiles joueurs.
Environ 100 à 200 exemplaires sont fabriqués tous les jours dans cette entreprise qui emploie de 25 à 30 salariés. Une cymbale de taille moyenne pèse entre 1,100 kg et 1,250 kg selon la taille et l’épaisseur mais les plus lourdes peuvent atteindre … 5 voire 6 kg.
Le prix moyen de cet instrument exceptionnel est d’environ 70 USD.
La clientèle d’Istanbul Mehmet est tant locale qu’internationale et des noms célèbres du rock et du jazz s’approvisionnent chez lui. Deux foires importantes ont lieu chaque année auxquelles cette entreprise participe, la Müzik Mess de Francfort qui a lieu en mars et celle de Los Angeles.
Mehmet Tandeğer, le créateur de cette société a 68 ans. Né à Samatya, c’est là qu'il a commencé son apprentissage à 9 ans aux côtés du maître, le célèbre Mikhail Zilcan, le petit-fils du célèbre maître de cymbales Kerope Zilcan qui a donné le nom turc à l’instrument.
En 1978, Mehmet devient à son tour maître et crée en 1982 sa première société, en association avec Agop, autre grand nom de la cymbale. Après la mort de ce dernier en 1995, il fonde l’année d’après sa propre enseigne, Istanbul Mehmet.
Il aura consacré toute sa vie à sa passion et lorsque je lui ai demandé quand il envisageait de prendre sa retraite, sa réponse fût la suivante « à ma mort ! ». Il espère bien qu’entre ses 3 garçons de 7 et 9 ans, il y en aura un pour prendre la relève….
www.istanbulmehmet.com