9 Juillet 2008
Article publié dans le journal "Aujourd'hui la Turquie" de juillet-août 2008
Du 7 au 15 juin dernier s’est tenue la 11ème exposition organisée par I.S.M.E.K. (Istanbul Büyük Belediye Sanat et Meslek Eğitimi Kursları), autrement dit le centre de formation de l’art et de la formation professionnelle de la Ville d’Istanbul à la Feshane d’Eyüp au bord de la Corne d’Or.
Grâce au financement de l’Union Européenne, la mairie peut dispenser des cours gratuitement ; 197 000 personnes durant l’année 2007-2008 ont pu en profiter, 580 000 depuis sa création il y a 12 ans, ce qui montre le chemin parcouru durant ces années.
201 centres répartis dans 31 secteurs géographiques d’Istanbul, 106 branches d’activités représentées, pour donner une idée de l’ampleur de l’organisation. On peut tout y apprendre, de l’informatique aux langues, du sport à la musique, de l’art manuel à l’art islamique turc, de la formation professionnelle technique à l’enseignement social et culturel.
Madame Özleyiş Topbaş, épouse du maire d’Istanbul, était présente lors de ma visite et a témoigné d’un intérêt particulier pour l’exposition. Elle a fait de nombreux arrêts aux différents stands, s’entretenant avec les enseignants et les élèves sur l’originalité, la qualité et la beauté des œuvres présentées.
Avec madame Özleyiş Topbaş, épouse du maire d’Istanbul en foulard bleu
Dans le cadre de cette gigantesque exposition d’art manuel, la plus grande au monde, les élèves exposent les ouvrages réalisés durant la dernière année de formation. De la faïence à la calligraphie, du travail du cuir à la coiffure, de la reliure à la peinture, de la gravure au vitrail, de la céramique à la mosaïque, c’est un étalage à la Prévert de toute beauté que la foule a pu découvrir.
Sur le chevalet, signature du sultan Abdul Meçit
C’est la mosaïque qui a particulièrement attiré mon intérêt grâce à la découverte de cet art vieux de 5000 ans par Meyçem Ezengin, jeune femme de 26 ans, seule enseignante de cet art à Istanbul.
Meyçem Ezengin
Après des études entamées dans le cinéma et la télévision, puis comme gardienne d’enfants, elle démarre finalement en 2003 deux années à l’Université de Thrace à Edirne où elle apprend les différentes techniques générales de l’art ainsi que son histoire. Après avoir réussi son examen, un an de stage lui permettra de faire de la mosaïque son credo. Elle réalisera d’ailleurs durant cette période une fresque dans la demeure d’un célèbre artiste turc.
Les cours qu’elle dispense couvrent 300 heures durant lesquelles les élèves apprennent d’abord l’histoire de la mosaïque, puis découvrent les matériaux, en particulier le verre qu’il faut apprivoiser pour le travailler sans peur de se blesser. La connaissance des instruments nécessaires, celle du dessin pour créer le modèle, les nuances des couleurs, sont autant de compétences à acquérir avant de pouvoir se lancer dans sa première œuvre.
Table de marbre en mosaïque
La mosaïque utilise principalement le verre (de toutes les couleurs), les perles de verre (boncuk), le marbre, des espèces de pierre et de granit, la porcelaine, des écailles de moules aussi, le tout généralement collé sur des supports en bois, mais aussi sur du verre pour créer des lampes éclatantes.
Fragments de verre utilisés pour la réalisation des mosaïques
Le verre utilisé vient d’Europe, de Chine ou d’Amérique contrairement au marbre et à la pierre qui sont des productions locales, souvent de Balıkhesir ou d’Eskişehir. L’assemblage se fait à l’aide de silicones de types différents selon le support.
La pratique de la mosaïque est un vrai travail d’équipe ; pendant qu’une personne coupe les matériaux à la taille nécessaire, l’autre sépare par ton de couleur, qui nécessite un temps considérable, une autre trace le dessin soit sur le support directement, soit sur du papier qui sera ensuite agrandi selon les besoins.
Détail d'une oeuvre, toute en finesse !
La réalisation des œuvres représente des heures de travail, parfois des mois, comme ce visage du Christ, mosaïque recouverte d’une feuille d’or, reproduit d’après l’œuvre originale visible à Sainte-Sophie. 3 mois de travail à raison de 4 ou 5 h/jour, la tache étant épuisante pour les yeux et les mains mis à rude épreuve. De nombreux pièces sont des reproductions visibles dans le célèbre musée, témoignage de cet art combien difficile mais dont le résultat est à l’image de l’effort et du travail accompli.
Reproduction de la mosaïque du Christ de Sainte-Sophie
La pratique de cet art est coûteuse, compte-tenu des matériaux nécessaires. Le prix du m2 de verre, par exemple, est d’environ 53 €.
Le premier musée de la mosaïque au Monde est celui de Ravène en Italie, suivi par celui d’Antioche en Turquie et celui du Bardo à Tunis. C’est là que les chefs d’œuvre les plus impressionnants sont visibles.
Les œuvres réalisées peuvent trouver acquéreurs auprès d’un public de connaisseurs mais est rarement vendu à sa juste valeur, tant la durée nécessaire pour sa création ne peut être facturée.
Derviches tourneurs en mosaïque
Si cet art vous interpelle, vous pouvez prendre contact directement avec Meyçem Ezengin au 0533.573.11.20 ou par mail m_ezengin@hotmail.com.
En 2009 devrait se tenir la première exposition organisée par la jeune femme et ses élèves et qui sera spécifique à la mosaïque… Rendez-vous le moment venu !
Tête de cheval en mosaïque de marbre