24 Août 2008
Je me souviens très bien de ce 24 août 2003 où j'ai atterri, une fois de plus, à Istanbul mais pour y vivre cette fois-ci, avec dans mes mains juste un billet aller simple et mes affaires.
Je suis immédiatement partie quelques jours en Cappadoce pour revoir ce coin de pays qui fait partie de ma première rencontre avec la Turquie en juillet 1998, avant de poser mes valises à Cihangir, ce quartier de Beyoğlu que je n'ai plus quitté depuis.
J'aurais eu des dizaines de raisons et d'excuses pour ne pas aller au bout de mes idées, de ne pas tourner la page de ma première vie sans pour autant la renier mais en gardant l'expérience acquise au fil des années, savoir ce dont je ne voulais plus mais aussi et surtout ce que je voulais et que j'attendais de la vie, de MA vie.
Que n'ai-je entendu de balivernes, pas forcément méchantes, mais émanant d'hommes et de femmes qui pour la plupart, n'ont jamais mis les pieds en Turquie, qui ne savent pas comment ça fonctionne ici.
Certains se sont inquiétés pour moi (merci à eux) : quelle idée a-t-elle encore, notre alsacienne qui n'aime pas faire comme les autres... mais qui a simplement envie d'être elle ? J'allais me retrouver voilée (la face...), être battue (à la course à pied ?), je ne tiendrai pas trois mois là-bas (ici) et des dizaines de phrases du même acabit.
Cinq ans ont passé et je ne me suis jamais sentie aussi bien dans mes baskets qu'à présent. Enfin, je vis pour moi et du coup, je pense pouvoir donner plus, être plus à l'écoute, partager et recevoir tout ce que la Turquie et ses habitants me donnent au quotidien ; elle qui me nourrit de cette richesse humaine de plus en plus difficile à trouver en France mais aussi en Europe.
Au loin le village d'Aşağı Aydere Köyü - 2600 m d'altitude
Personne n'a jamais le temps, ne prend jamais le temps, perdu dans sa course contre la montre, mais pour qui, pour quoi ? En Turquie, la notion de temps est différente. On a toujours quelques minutes à consacrer à l'autre, à l'écouter, à parler, à l'inviter à boire un thé ou partager son repas, à rester coucher si la route est trop longue ou s'il se fait tard.
Que de moments inoubliables aurais-je loupé si je n'avais pas suivi la route d'Istanbul et de la Turquie.
A l'époque où j'ai annoncé ma décision de venir habiter dans ce pays qui inquiète au vu des clichés et des medias qui ne lui donnent pas souvent une image très glorieuse, deux amis seulement, un homme (Hubert) et une femme (Annette), m'ont dit "vas-y, fais ce que tu as envie !" et l'un d'entre eux justement est là aujourd'hui.
Pourtant, ni l'un ni l'autre n'avait jamais mis les pieds en terre ottomane auparavant. Hubert a finalement découvert la Turquie durant sept semaines, sac à dos et appareil photo autour du cou, à sillonner une bonne partie du pays en transports en commun, à la rencontre de ce coin du monde qui ne ressemble à aucun autre. On ne ressort pas indemne d'un tel choc car c'en est un pour qui ne connaît pas, quand on ne sait pas ce qui vous attend au tournant de la rue, une leçon de vie.
Hasankeyf sur les rives de l'Euphrate, mon premier "coup de coeur"
Et j'ai encore une autre chance aujourd'hui, mon meilleur ami turc, Enver, est là également. Pour moi, il incarne une image de réussite, parti de son village que vous allez découvrir dans les prochains billets pour la France à l'âge de 16 ans. Lui aussi a changé de vie, est allé au bout de ses ambitions et a réussi puisqu'aujourd'hui il est à la tête d'une entreprise d'informatique à Grenoble.
Ce n'est pas non plus le "cliché" classique qu'il donne du turc vivant en France, moustachu et reclu dans son microcosme comme s'il était en Anatolie, bien au contraire. Parfaitement intégré, sa route a été bien plus difficile pour accéder aux marches de la réussite.
Grâce à mon blog, j'ai fait la connaissance d'autres turcs qui vivent en France, en Angleterre, au Luxembourg, en Belgique, qui eux aussi ont des postes à responsabilités, ont réussi à force de travail et de courage, à réussir leur vie européenne.
En tout cas, cette date anniversaire marque pour moi un constat que je me permets de qualifier comme une réussite quant à mon choix de vie. Je ne dirai qu'une phrase à tous ceux qui souvent aimeraient mais hésitent "Osez essayer, toute expérience est bonne à prendre, mais surtout faites ce que vous avez envie, on ne vit qu'une fois... aux dernières nouvelles !"
Rumeli Feneri, là où la Mer Noire croise la route du Bosphore, un endroit pas comme les autres