27 Août 2008
Le retour annuel au memleket - au pays - pour un turc expatrié, c'est un des moments-clés de l'année, le moment de revenir à ses origines, à ses racines, de revoir sa famille, ses proches, tous ceux qui sont restés en Turquie.
Pour un homme, deux des instants les plus attendus sont à priori celui où l'on va faire un tour chez le barbier se faire raser de près pour les retrouvailles... et bien sûr tenir entre les doigts ce précieux breuvage qui fait corps avec chaque turc digne de ce nom, le çay, autrement dit le thé. En fait, les deux actions ont lieu au même endroit puisque dans tout salon de coiffure du pays, on vous offre immédiatement la boisson locale la plus consommée.
Une fois ces premières marques retrouvées, l'étape suivante consiste à s'arrêter dès que possible pour un avant-goût de retrouvailles. En l'occurrence, c'est dans la petite ville de Hanak que cet arrêt a lieu, pour faire en même temps le plein de provisions à ramener au köy - le village, ce dernier étant juste doté d'une minuscule épicerie.
Chez le premier épicier que connaît mon ami Enver, la pause çay est déjà de rigueur et l'on commence à prendre des nouvelles du fils du cousin et de l'oncle du voisin, je m'y perds déjà ... et ce n'est que le début.
Dans les rayonnages d'un autre temps, entre les paquets de thé d'un kilo et les biscuits, des sacs immenses contenant chacun 50 kg de riz, de pâtes ou de semoule. C'est que par ici, on ne fait pas les courses tous les jours et quand en hiver, la neige empêche de circuler, il faut pouvoir se nourrir tout de même.
Ce brave monsieur de 66 ans semble-t-il, est un sacré personnage à lui tout seul avec son béret qui me rappelle celui que portait mon grand-père. C'est le premier d'une longue liste qui m'appellera Yavrum (mon petit !), ce petit mot gentil qui me touche toujours quand je l'entends.
Les yeux pétillent encore de malice et il ne manque pas d'humour, comme presque tous les gens du pays.
Après ce moment exquis en sa compagnie et après avoir salué deux autres connaissances, la voiture est chargée de provisions et nous pouvons reprendre la route en direction de Aşağı Aydere Köyü à plus d'une demi-heure de route à travers l'immensité de la steppe, par des chemins où un tout-terrain serait bien utile.
Pour moi, je suis dans un autre univers, bienvenue sur la planète "nature" ! A 2600 m d'altitude et autour de soi, des champs, des fleurs de toutes sortes, des meules de foin encore et toujours vu l'époque et au loin des montagnes plus élevées qui dessinent le paysage de leurs douces formes.
Les vraies retrouvailles, c'est ici qu'elles se font et nous allons rester chez un des oncles d'Enver du côté paternel. Quel plaisir de retrouver cette famille, Ismail amca (l'oncle), Tamile (la cousine), Ferman (le fils d'Ismail et mari de Tamile) ainsi que le petit Fatih âgé de 6 ans.
Tamile et son sourire éclatant
La première soirée sera sans doute la plus tranquille car tout le village n'est pas encore averti de notre arrivée. Une seule visite mais sans doute une des plus émouvantes pour moi, celle de Zeker dede - le grand-père, le plus vieil homme de la famille encore vivant, plus de 80 ans !
C'est le cousin du grand-père d'Enver (tout le monde suit encore ?) et ce vieil homme manifeste sa tendresse et son plaisir de retrouver le "gamin" qui revient au village. J'ai eu du mal à prendre mon appareil et avoir le réflexe de faire juste une photo tant je suis restée sans voix à observer ces deux hommes qu'une quarantaine d'années sépare se faire la plus chaleureuse des accolades. En écrivant ces lignes, j'ai la larme qui me monte aux yeux en "revoyant" la scène...
Le repas sera à la fois simple et divin composé d'une soupe, de pommes de terre et de poulet à la chair ferme cuits ensemble au four.
Bien entendu, le thé suivra et permettra de poursuivre tranquillement la discussion.
J'observe avec délectation Zeker dede assis à côté de l'oncle Ismail. Il devait être bel homme et il l'est toujours.
Par moments, lorsqu'il se met à parler en sortant de sa torpeur, il évoque des souvenirs plus ou moins lointains avec vigueur et gaieté, encore un délicieux moment.
La soirée s'écoule ainsi, tranquillement... et le marchand de sable passera bien tôt pour reprendre des forces et se préparer à tous les moments à vivre les prochains jours.