4 Septembre 2008
Une fois la panoplie du parfait mineur revêtue, nous quittons le bâtiment administratif d'Üzülmez (qu'on peut traduire par "ne pas s'inquiéter") et traversons la cour vers l'ascenseur.
Le bâtiment administratif d'Üzülmez
Dans cette cage qui peut accueillir une vingtaine de personnes, ce sont des chaînes en fer qui servent d'appui durant le court voyage, de même que dans les wagons qu'il faut emprunter ensuite.
Durant ma visite, j'ai assailli tant Turan, notre accompagnateur, que les responsables rencontrés, de différentes questions qui me venaient à l'esprit. Je voulais en savoir plus sur le quotidien de ces hommes.
En route vers l'inconnu
La direction de la mine (dont le nom T.T.K. Türk Taş Kömürü - Charbonnages turcs date de 1986) organise une formation d'un mois en interne pour les nouveaux arrivants. Il existe à Zonguldak une université pour les ingénieurs et techniciens.Tous les ans, un contrôle médical est organisé pour tous les employés.
Comme je l'indiquais dans l'article publié dans "Aujourd'hui la Turquie", cinq mines sont exploitées à Zonguldak et dans les environs : Kozlu, Üzülmez, Karadan (la plus importante), Kandilli et Amasra (la plus petite dans la ville lointaine du même nom).
La station de lavage d'Üzülmez, un peu plus loin que le puits
Les tailles dans les puits portent des noms grecs ou arméniens, du nom de ceux qui y ont travaillé dans les débuts (Agop, Papaz, Stefan, Neomi). La profondeur varie selon les sites entre 300 et plus de 800 m.
Les journées de travail s'organisent en poste de 3/8 à raison de 7,5 heures de travail par jour, de 7 h 30 à 15 h, de 15 h 30 à 23 h et de 23 h 30 à 7 h. Bien que le dimanche soit le jour de congé hebdomadaire, les mines ne s'arrêtent jamais et des permanences sont assurées. Après vingt années de bons et loyaux services, un mineur peut bénéficier de la retraite.
Un enchevêtrement de bandes transporteuses et de métal
En dehors du salaire fixe (qui oscille entre 1300 et 1900 ytl nets, soit entre 750 et 1100 Euros environ - des salaires plutôt élevés pour la Turquie), des primes de rendement et de "non-accidents" sont distribuées. De même, les mineurs ont droit à une certaine quantité de charbon tous les ans pour leur usage personnel.
Il y a quelques dizaines d'années, dans l'esprit collectif, il était impératif qu'un membre de chaque famille au moins travaille au fond de la mine.
En pousuivant notre chemin, alors que je nageais dans des bottes bien trop grandes pour moi, je me suis demandée si j'étais capable d'aller jusqu'au bout. Dans la boue et les ornières glissantes, il faut faire attention à tous moments de ne pas tomber.
Le pire restait à venir. Quand j'ai vu ce wagon rempli du précieux minerais qu'il fallait escalader pour ensuite continuer à grimper sur une pente revêtue de charbon, j'ai craint ne pouvoir y arriver. J'ai expliqué ma peur à notre accompagnateur et au chef d'équipe. Rien de plus simple pour eux, ils m'ont empoigné solidement de chaque côté pour la montée et bloqué les pieds dans la descente, finalement plus de peur que de mal.
Les mineurs ont été surpris : il est très rare que des femmes descendent au fond de la mine, qui plus est, des étrangères ... parlant leur langue.
J'ai eu droit à des explications plus techniques. Les tailles par exemple font 1,20 m de large pour 4 m de haut. 1 à 2 jours de travail pour deux mineurs sont nécessaires pour l'exploitation de chacune.
J'ai bien ri en prenant connaissance des surnoms donnés aux échafaudages (domuz damı, soit le toit du cochon) ou aux étais (ayı bacağı, en l'occurrence les pattes de l'ours).
Le toit du cochon ...
La couleur des casques permettent d'identifier les catégories d'employés : blanc pour les ingénieurs et techniciens, jaune pour les ouvriers, rouge pour les dynamiteurs et bleu pour les électriciens.
Le moment le plus émouvant pour moi restera sans doute le casse-croûte partagé avec deux ouvriers : tomate, concombre et fromage blanc accompagnés de pain. Combien de fois ai-je ainsi été invitée à un tel moment d'échange mais en plein jour.
Ici, seules les lumières des casques viennent déchirer la pénombre permanente, ça prend aux tripes et la gorge est nouée !
Les plaisanteries vont bon train et le sourire reste de mise. 20 ans sans voir le soleil, dans la poussière qui s'incruste partout, ces conditions que vous acceptez de vivre en trimant dur pour nourrir les vôtres, tout le monde ne le ferait pas.
Chapeau messieurs les mineurs, j'ai beaucoup de respect et d'admiration pour votre travail !
Compte-tenu du charbon qui reste à sortir, le site d'Üzülmez est exploitable encore une bonne trentaine d'années et Karadan... une centaine d'années. Les mineurs ont encore de quoi faire !