14 Septembre 2008
Dans ce village que vous découvrez avec moi au fil des billets, les quelques dizaines de personnes qui y habitent en permanence ont déjà un certain âge.
Durant la belle saison, les familles s'y retrouvent pour quelques semaines et les jeunes découvrent une vie différente de celle qu'ils vivent au quotidien. Parmi ces gens qui reviennent ici pour quelques mois seulement, il y a Hanım nine, autrement dit grand-mère Hanım.
Son âge exact, comme pour la plupart des villageois nés dans des coins aussi reculés, n'est pas connu de façon certaine. A l'époque, le muhtar ou maire du coin, ne venait que rarement recenser ses âmes et les actes d'état civil reposaient sur le souvenir d'évènements plus que sur des dates précises.
Toujours est-il que Hanım nine a dépassé allègrement les 90 ans et qu'elle est la grand-mère maternelle de mon ami Enver.
Il me tardait de faire sa connaissance ; j'avais entendu parler d'elle en termes plus qu'élogieux quant à sa lucidité et son humour permanent. On dit bien que l'humour conserve et après avoir passé un moment avec elle, je ne peux que le confirmer.
Elle tricote encore un peu, Hanım nine
En hiver, Hanım nine vit sa petite vie tranquille dans la grande Istanbul aux côtés de son fils Cansever, mais quand arrive l'été, elle ramène avec malice son brin de bonne humeur au village.
Les hommes sont occupés pour l'instant à l'extérieur et nous faisons connaissance. Comme toute femme qui se respecte, ses questions sur mon état civil fusent. : "Tu es venue sans ton mari ? Ah bon, tu es divorcée, mais pourquoi ? Et tu ne t'es pas remariée ?..." Je suis surprise par l'analyse de "Hanım nine" qui, après réflexion, me donne raison dans mes choix de vie... Quelle ouverture d'esprit !
Mise à l'aise par sa verve, j'ose lui demander pourquoi elle ne s'est pas remariée. Veuve depuis plus de 30 ans, ce ne sont pas les prétendants qui manquaient, me répond-elle. Pétillante comme elle l'est encore à son âge avancé, je peux m'imaginer à quel point elle l'était auparavant... et pouvait ainsi séduire la gente masculine. Mais finalement aucun n'était assez riche et beau, me dit-elle en plaisantant.
Pendant qu'elle sirote son thé, je la surveille du coin de l'oeil, elle a l'air pensive tout à coup.
Les hommes reviennent à la maison et la conversation se poursuit dans la bonne humeur. Son fils est mis au courant de nos manigances et ne semble pas plus étonné que cela.
De gauche à droite, Ali bey, le beau-père d'Enver, Hanım nine et son fils Cansever
Il est malheureusement déjà l'heure de continuer notre route. Rendez-vous est pris pour l'été prochain avec pour mission de lui dénicher L'HOMME qui répond à tous ses critères de sélection, ce qui nous fait bien rire toutes les deux. Si je trouve chaussure à son pied, je lui promets de lui faire parvenir des photos.
Hanım nine se fait un devoir de nous raccompagner un petit bout de chemin à l'extérieur. Si ce n'était même que juste pour elle, je reviendrais au village pour la voir prendre encore son air coquin, regarder ses yeux malicieux et enjoués, prendre du plaisir à la taquiner autant qu'elle m'a taquinée, et recueillir des souvenirs de sa jeunesse passée.
J'ai vraiment tenu à lui dédier ce petit billet, car même à l'autre bout du pays, il y a des dizaines d'années déjà, des femmes de caractère savaient se faire respecter... et je suis convaincue qu'elle faisait partie de celles-là.
Hanım nine , n'oubliez pas d'être là pour notre prochain rendez-vous, j'y tiens !