25 Octobre 2008
Duvara karşı ("Head-on" en Europe) de Fatih Akin, est l'oeuvre qui m’a permis en 2004 de découvrir le travail de ce réalisateur de talent d'origine turque né en Allemagne.
Ce film a obtenu l'Ours d’Or au Festival de Berlin en 2004, le prix du meilleur film européen et celui du meilleur metteur en scène... au European Film Awards 2004. Au German Film Awards 2004, il a été primé comme meilleur film, meilleur réalisateur, meilleure actrice pour Sibel Kekilli et meilleur acteur pour Birol Ünel.
Les premières images sont très fortes : Cahit (Birol Ünel) tente de mettre fin à ses jours en se fracassant, au volant de sa voiture, contre un mur (le titre du film en turc est en fait « Contre le mur ») Un groupe de musiciens accompagné d’une chanteuse interprète un morceau devant la Corne d’Or. Ce moment musical sert d’intermède aux différents chapitres du film.
La première partie se déroule à Hambourg en Allemagne. Cahit, 40 ans, turco-allemand, veuf, rongé par l’alcool et la drogue après le décès de sa femme, ramasse des bouteilles vides dans une salle de concert glauque. Il vit dans un appartement où la vaisselle s’entasse à côté des canettes de bière vides.
Après sa tentative de suicide, il se retrouve dans une clinique psychiatrique où son destin croise celui de Sibel (Sibel Kekilli), jeune fille de 20 ans, également turco-allemande, qui étouffe dans le carcan traditionnaliste de sa famille et qui a voulu se suicider aussi.
Bien décidée à trouver un moyen de se séparer de sa famille, pour « vivre, danser, baiser avec qui elle veut » comme elle le souhaite, Sibel propose à Cahit un mariage blanc qu’il finit par accepter.
Şeref, l’ami de Cahit, se transforme pour l’occasion en « oncle » et accompagne son « neveu » pour demander la main de Sibel.
Selma, la cousine venue d’Istanbul et l’ami-oncle de Cahit seront les témoins du mariage. Le jour de la noce, avant la signature des actes, Sibel apprend le veuvage de son mari. A leur retour au domicile après le mariage, elle a le malheur de lui demander le nom de sa première femme… qui lui vaut d’être renvoyée manu militari.
Elle passe sa nuit de noce dehors…d’abord dans un bar, puis dans l’appartement... et le lit du barman.
Sibel travaille comme coiffeuse chez une amie de Cahit, qui a bien connu la femme de ce dernier… et qui partage parfois son lit avec lui.
Façade du Büyük Londra Oteli d'Istanbul où des séquences ont été tournées
Les jeunes mariés vont finalement reprendre leur vie commune, l’alcool et la drogue faisant partie du quotidien. Chacun vit sa vie et au bout de six mois dans un appartement plus propre et mieux tenu que jamais, il faut bien rendre visite à la famille de la jeune mariée. Pendant que les jeunes femmes devisent entre elles sur les performances sexuelles de leurs époux respectifs, les hommes jouent dans une pièce. Le langage vulgaire utilisé par Cahit provoque des tensions et l’on en vient presque aux mains.
Petit à petit, Sibel et Cahit éprouvent des sentiments l’un pour l’autre. Nico, un jeune homme qu'elle a fréquenté, provoque ouvertement Cahit dans un bar ; la scène tourne au drame. Jeté à terre, Nico va mourir...
Entrée de l'hôtel
Cahit se retrouve en prison et Sibel s’ouvre les veines, reniée par sa famille qui découvre à la une des journaux les frasques amoureuses de la jeune femme.
Sibel, qui a promis d’attendre la sortie de son mari, se réfugie chez l’ami Şeref, poursuivie par son propre frère qui veut venger l’honneur de sa famille.
Elle finit par quitter Hamburg, change de look en se coupant les cheveux et rejoint sa cousine Selma qui lui trouve un poste de femme de chambre à l’Hôtel Marmara où elle est employée. Mais cette vie rangée et fade ne convient pas à Sibel qui reprend le chemin des bars, a besoin de drogue, se remet à boire.
Hôtel Marmara sur la place de Taksim
Après une nuit de perdition, une altercation dans les rues mal fréquentées de Beyoglu se termine en drame au petit matin. D’abord frappée par ceux qu’elle a provoqués, puis poignardée, elle s’écroule dans une mare de sang. Heureusement, un chauffeur de taxi la trouve et s’occupe d’elle. Il deviendra son compagnon et le père de sa fille.
Cahit sort de prison et vient à Istanbul pour revoir Sibel sans qui il n’aurait jamais pu survivre à la mort de sa première femme.
Détail de la façade du Grand Hôtel de Londres
Il descend au Büyük Londra Oteli d’Istanbul (l’hôtel préféré du réalisateur), ira ensuite à la rencontre de Selma, la cousine qui lui fera part de la nouvelle vie rangée et heureuse de Sibel. Selma accepte pourtant de garder sa nièce durant 2 jours et 2 nuits, période où les anciens époux se retrouveront ensemble à l’hôtel pour leurs premières et seules nuits d’amour.
Le bar du Büyük Londra Oteli
Cahit désire retourner à Mersin, sa ville natale, et propose à Sibel qu’elle et sa fille l’accompagnent. Il lui donne rdv le lendemain à midi à la gare routière… mais Sibel ne viendra pas.
Selon les propos tenus par le réalisateur, son film est une histoire d’amour qui parle aussi de la mort et du diable. L’amour constructif mais aussi destructeur, la force de l’amour qui rend possessif, la mort en tant que métamorphose, le diable qui habite l’homme.
Fatih Akin a souhaité utiliser les trois axes qui font partie de son environnement pour traiter le film, sachant que chaque individu va le percevoir différemment : le regard germano-allemand, le regard germano-turc et le regard turco-turc.
Piano de l'hôtel où Cahit joue en attendant un appel de Sibel
Pour lui, tourner à Istanbul permet, selon ses propres termes, "d’avoir une toile de fond hallucinante, sans figurant, avec une foule permanente au milieu de laquelle la caméra peut oeuvrer. Cette ville pleine de contradictions, en perpétuel mouvement, folle, épuisante, belle, dangereuse, la Ville !"
Je dois dire que ce film dur, noir, émouvant et tendre à la fois, ne m'a pas laissé indifférente. Les acteurs jouent parfaitement leur rôle et on est vite pris dans l'ambiance et l'action permanente qui y règnent tout au long.
Salon de l'hôtel
Tourné dans deux pays, on retrouve la réalité de la double culture, la volonté d'exister sans vouloir supporter le poids de la famille. Même juste en le résumant, vous pouvez vous imaginer que le langage est cru, mais finalement c'est bien le langage de tous les jours, que l'alcool et la drogue ne vont pas affiner.
Un film à voir absolument !
Dans le salon de l'hôtel
Depuis, j'ai vu d'autres films de Fatih Akin qui m'ont tout autant interpelée et sur lesquels je compte bien revenir.