Faire connaître la Turquie et ses habitants avec les yeux d'une alsacienne qui y vit depuis 19 ans.

Du bretzel au simit

“Duvara karşı” du réalisateur Fatih Akin

 

Duvara karşı ("Head-on" en Europe) de Fatih Akin, est l'oeuvre qui m’a permis en 2004 de découvrir le travail de ce réalisateur de talent d'origine turque né en Allemagne.

Ce film a obtenu l'Ours d’Or au Festival de Berlin en 2004, le prix du meilleur film européen  et celui du meilleur metteur en scène... au European Film Awards 2004. Au German Film Awards 2004, il a été primé comme meilleur film, meilleur réalisateur, meilleure actrice pour Sibel Kekilli et meilleur acteur pour Birol Ünel.


                       

Les premières images sont très fortes : Cahit (Birol Ünel) tente de mettre fin à ses jours en se fracassant, au volant de sa voiture, contre un mur (le titre du film en turc est en fait « Contre le mur ») Un groupe de musiciens accompagné d’une chanteuse interprète un morceau devant la Corne d’Or. Ce moment musical sert d’intermède aux différents chapitres du film.

La première partie se déroule à Hambourg en Allemagne. Cahit, 40 ans, turco-allemand, veuf, rongé par l’alcool et la drogue après le décès de sa femme, ramasse des bouteilles vides dans une salle de concert glauque. Il vit dans un appartement où la vaisselle s’entasse à côté des canettes de bière vides.

Après sa tentative de suicide, il se retrouve dans une clinique psychiatrique où son destin croise celui de Sibel (Sibel Kekilli), jeune fille de 20 ans, également turco-allemande, qui étouffe dans le carcan traditionnaliste de sa famille et qui a voulu se suicider aussi.

Bien décidée à trouver un moyen de se séparer de sa famille, pour « vivre, danser, baiser avec qui elle veut » comme elle le souhaite, Sibel propose à Cahit un mariage blanc qu’il finit par accepter.


     
 
Şeref, l’ami de Cahit, se transforme pour l’occasion en « oncle » et accompagne son « neveu » pour demander la main de Sibel.

Selma, la cousine venue d’Istanbul et l’ami-oncle de Cahit seront les témoins du mariage. Le jour de la noce, avant la signature des actes, Sibel apprend le veuvage de son mari. A leur retour au domicile après le mariage, elle a le malheur de lui demander le nom de sa première femme… qui lui vaut d’être renvoyée manu militari.

Elle passe sa nuit de noce dehors…d’abord dans un bar, puis dans l’appartement... et le lit du barman.

Sibel travaille comme coiffeuse chez une amie de Cahit, qui a bien connu la femme de ce dernier… et qui partage parfois son lit avec lui. 


                        
                Façade du Büyük Londra Oteli d'Istanbul où des séquences ont été tournées

Les jeunes mariés vont finalement reprendre leur vie commune, l’alcool et la drogue faisant partie du quotidien. Chacun vit sa vie et au bout de six mois dans un appartement plus propre et mieux tenu que jamais, il faut bien rendre visite à la famille de la jeune mariée. Pendant que les jeunes femmes devisent entre elles sur les performances sexuelles de leurs époux respectifs, les hommes jouent dans une pièce. Le langage vulgaire utilisé par Cahit provoque des tensions et l’on en vient presque aux mains.

Petit à petit, Sibel et Cahit éprouvent des sentiments l’un pour l’autre. Nico, un jeune homme qu'elle a fréquenté, provoque ouvertement Cahit dans un bar ; la scène tourne au drame. Jeté à terre, Nico va mourir...

                BL-Oteli-entree-copy.jpg

                                                           Entrée de l'hôtel

Cahit se retrouve en prison et Sibel s’ouvre les veines, reniée par sa famille qui découvre à la une des journaux les frasques amoureuses de la jeune femme.

Sibel, qui a promis d’attendre la sortie de son mari, se réfugie chez l’ami Şeref, poursuivie par son propre frère qui veut venger l’honneur de sa famille.

Elle finit par quitter Hamburg, change de look en se coupant les cheveux et rejoint sa cousine Selma qui lui trouve un poste de femme de chambre à l’Hôtel Marmara où elle est employée. Mais cette vie rangée et fade ne convient pas à Sibel qui reprend le chemin des bars, a besoin de drogue, se remet à boire.


               
                                      Hôtel Marmara sur la place de Taksim

Après une nuit de perdition, une altercation dans les rues mal fréquentées  de Beyoglu  se termine en drame au petit matin. D’abord frappée par ceux qu’elle a provoqués, puis poignardée, elle s’écroule dans une mare de sang. Heureusement, un chauffeur de taxi la trouve et s’occupe d’elle.
Il deviendra son compagnon et le père de sa fille.

Cahit sort de prison et vient à Istanbul pour revoir Sibel sans qui il n’aurait jamais pu survivre à la mort de sa première femme.

                     Simit 063 copy

                               Détail de la façade du Grand Hôtel de Londres

Il descend au Büyük Londra Oteli d’Istanbul (l’hôtel préféré du réalisateur), ira ensuite à la rencontre de Selma, la cousine qui lui fera part de la nouvelle vie rangée et heureuse de Sibel. Selma accepte pourtant de garder sa nièce durant 2 jours et 2 nuits, période où les anciens époux se retrouveront ensemble à l’hôtel pour leurs premières et seules nuits d’amour.

    
                                                  Le bar du Büyük Londra Oteli

Cahit désire retourner à Mersin, sa ville natale, et propose à Sibel qu’elle et sa fille l’accompagnent. Il lui donne rdv le lendemain à midi à la gare routière… mais Sibel ne viendra pas.


Selon les propos tenus par le réalisateur, son film est une histoire d’amour qui parle aussi de la mort et du diable. L’amour constructif mais aussi destructeur, la force de l’amour qui rend possessif, la mort en tant que métamorphose, le diable qui habite l’homme.

Fatih Akin a souhaité utiliser les trois axes qui font partie de son environnement pour traiter le film, sachant que chaque individu va le percevoir différemment : le regard germano-allemand, le regard germano-turc et le regard turco-turc.


   
                          Piano de l'hôtel où Cahit joue en attendant un appel de Sibel

Pour lui, tourner à Istanbul permet, selon ses propres termes, "d’avoir une toile de fond hallucinante, sans figurant, avec une foule permanente au milieu de laquelle la caméra peut oeuvrer. Cette ville pleine de contradictions, en perpétuel mouvement, folle, épuisante, belle, dangereuse, la Ville !"
               
Je dois dire que ce film dur, noir, émouvant et tendre à la fois, ne m'a pas laissé indifférente. Les acteurs jouent parfaitement leur rôle et on est vite pris dans l'ambiance et l'action permanente qui y règnent tout au long.

  
                                                    Salon de l'hôtel

Tourné dans deux pays, on retrouve la réalité de la double culture, la volonté d'exister sans vouloir supporter le poids de la famille. Même juste en le résumant, vous pouvez vous imaginer que le langage est cru, mais finalement c'est bien le langage de tous les jours, que l'alcool et la drogue ne vont pas affiner.

Un film à voir absolument !

   
                                                        Dans le salon de l'hôtel

Depuis, j'ai vu d'autres films  de Fatih Akin qui m'ont tout autant interpelée et sur lesquels je compte bien revenir.


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C
Bonsoir,<br /> J'ai également eu l'occasion de découvrir Fatih Akin et son film, il y a peu, sur Arte. Quel choc! Il ne laisse ni indifférent, ni tout à fait indemne. Je n'y ai pas vu une histoire d'amour mais deux vies en perdition se jetant l'une contre l'autre, comme Cahit propulsant sa voiture dans le mur. Ils n'en mourront finalement pas et chacun part de son côté dans une fin qui me laisse sur ma faim ;o)<br /> J'ai aimé et j'ai beaucoup apprécié l'éclairage sur la mixité culturelle qui me semblait d'un ton très juste.<br /> Je m'étais arrêté ici pour vous remercier des images du Büyük Londra Oteli qui m'avit fort intrigué et dont je suis content de voir plus de détails.<br /> Avec mon amitié,<br /> Patrick
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N
<br /> Bonjour Patrick, étant donné que je n'ai pas encore eu le privilège de rencontrer Fatih Akin (qui sait cela viendra peut-être un jour), j'ai illustré avec ce que j'avais et donné l'occasion de<br /> "visiter" un peu cet hôtel dont j'aime bien le décor.<br /> <br /> <br />
M
Personnellement je n'ai pas la possibilité d'enregistrer le programme, nous sommes plutôt "arrièrés" sur ce plan-là.<br /> Mais je vais voir, peut-être que quelqu'un sur le forum pourrait enregistrer.<br /> <br /> Je t'envoie demain par mail le programme complet.<br /> <br /> D'autre part, il paraît que le débat à 19 heures 20 (en Allemagne) sera retransmis en direct sur TRT2.
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N
<br /> <br /> Arriérés, n'exagère pas tout de même ! Ok, j'attends ton mail. Il faudrait savoir si la retransmission du débat est en direct sur TRT2, auquel cas si je suis là, je pourrai le regarder. A suivre<br /> ! Merci de te donner autant de peine...<br /> <br /> <br /> <br />
J
Et bien tu devrais faire critique de Cinéma. <br /> Ton reportage est splendide comme d'habitude.<br /> Et tes photos sont superbes. N'ayant pas les nerfs assez solide en ce moment, il n vaut mieux pas que je regarde un tel film.<br /> Jean-Yves
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N
<br /> Disons qu'il faut s'accrocher pour le voir, tu l'as bien compris.<br /> <br /> <br />
A
Juste un doute... animal sur le<br /> "Lion d’Or au Festival de Berlin".<br /> Il me semble qu'on reçoit un Lion à Venise et un Ours à Berlin (origine du nom Berlin est Bär" ou "Bear", ours en allemand : ce qui explique le trophée) et une girafe...ça je ne sais pas!!! <br /> En tout cas merci de m'avoir donné envie d'élargir mon horizon cinématographique.
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N
<br /> Quelle boulette j'ai fait ! Bien évidemment c'est l'Ours de Berlin... Je le savais en plus, cela m'étonne que personne n'ait réagi plus tôt. Il aurait fallu me rugir dessus plus tôt hi hi ... Je<br /> viens de rectifier l'erreur. En tout cas, ce film est A VOIR avec ou sans ours.<br /> <br /> <br />
D
le DVD "De l'autre côté" t'attend toujours içi en Belgique, il est prêt pour toi Nathalie !
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N
<br /> Je ne savais pas my dear ! Je l'ai mais en version turque, si tu l'as en version française, cela peut-être intéressant de comparer les traductions comme je le fais régulièrement. Merci d'avance.<br /> Sen birtanesin !<br /> <br /> <br />
M
Merci!!<br /> Hier soir sur la chaîne de télé régionale bavaroise, c'était soirée spéciale Fatih Akin. 3 films l'un derrière l'autre!<br /> <br /> Et samedi prochain sur la chaîne culturelle allemande 3sat, à partir de 6 heures du matin et pour 24 heures, tout le programme est consacré à la Turquie ancienne et moderne. Reportages, documentaires, films, musique etc..<br /> <br /> Je me rappelle il y a 3 ans quand TV5 avait également fait un 24 heure Turquie, je n'avais pas beaucoup dormi cette nuit-là.
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N
<br /> Oui les 24 h consacrées par TV5, je m'en souviens très bien. On avait mobilisé les troupes pour enregistrer pratiquement les 24 h. Super la soirée spéciale Fatih Akin. As-tu moyen d'enregistrer le<br /> programme de samedi prochain peut-être en demandant aussi de l'aide pour répartir les horaires... ce serait super.<br /> <br /> <br />
M
En Allemagne aussi, le titre du film est "contre le mur", "Gegen die Wand".
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N
<br /> Tout à fait Mirage ! J'étais presque certaine que tu allais le préciser, je t'ai donc laissé un peu de place pour le faire.<br /> <br /> <br />
J
Eros et Thanatos , l'amour et la mort. Un film à fortes teintes, sans espoir il me semble..tu l'as très bien décrit et tu nous donnes envie de le voir à notre tour.<br /> Merci!
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N
<br /> La description en était peut-être longue mais si cela donne envie de le voir, c'est gagné !<br /> <br /> <br />
M
Salut Nathalie, <br /> <br /> Fatih Akın est un cinéaste effectivement très talentueux. J’ai regardé moi aussi plusieurs fois “Duvara Karşı” ainsi que “Yaşamın Kıyısında” qui est un film qui m’a autant touché que le premier. <br /> <br /> Victime de la censure sur Blogger, j’ai déménagé ici sur Over-Blog et je suis très contente de t’avoir rencontrée. <br /> <br /> Amitiés, <br /> <br /> Müge
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N
<br /> Salut Müge, ravie de faire ta connaissance. Je suis vraiment devenue fan de ce réalisateur également.<br /> <br /> <br />
C
M...je crois qu'il est passé l'autre soir sur Arte et je l'ai raté...
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N
<br /> Ah vraiment dommage, tu as loupé quelque chose !<br /> <br /> <br />