2 Décembre 2008
Meryem, cette jeune lectrice du blog, qui habite Cernay près de Mulhouse, ne savait pas ce qui l'attendait ce vendredi 22 novembre.
Je l'avais mise en contact à la rentrée avec deux autres lectrices venues à Istanbul fin août (Catherine et Sandrine) et qui habitent la même commune ; depuis lors, Meryem leur donne un cours de turc hebdomadaire, en l'occurrence ... le vendredi soir, chez l'une d'entre elles.
Elle avait bien lu que je serai de passage et voulait d'abord m'envoyer un mail pour me dire que si j'avais le temps, elle aurait plaisir à me rencontrer. Finalement, pensant que je serais bien assez occupée, elle a renoncé.
Comme la plupart des jeunes filles de son âge, Meryem n'aime pas du tout être prise en photo
Le "scénario" était prêt et je m'étais fait discrète, tapie dans le canapé. A son arrivée, il lui est demandé si une troisième élève pouvait exceptionnellement assister au cours et Meryem n'y a vu aucun inconvénient. Mais lorsqu'on lui annonce que celle-ci est derrière elle et qu'elle se retourne, des mots d'étonnement sortent de sa bouche. La surprise était réussie !
Je voulais en savoir plus sur cette jeune fille que je considère un peu comme "ma fille de coeur" et avec qui j'avais déjà eu des échanges intéressants. Je vous propose de la découvrir avec moi.
Elle est née à Thann dans le Haut-Rhin, il y a à peine 18 ans, de père français et de mère turque musulmane alévi (branche de l'Islam), originaire de Sivas, en Anatolie Centrale.
Depuis l'âge de 4 ans jusqu'à cet été, elle n'avait pas remis les pieds en Turquie. C'est en compagnie de son ami, d'origine turc également, qu'elle est partie passer une semaine de vacances dans le sud de la Turquie, à défaut de pouvoir se rendre à Istanbul cette fois-ci.
Meryem, dont le prénom s'est transformé en Myriam pour ses papiers français, se sent turque ! "Je suis totalement en décalage avec les gens d'ici" dit-elle.
"Avant de partir, je me sentais déjà plus turque que française et maintenant je suis confortée dans mes idées. Le décalage entre ma mère et moi est énorme, elle n'est plus turque, ça fait 25 ans qu'elle est en France."
Sa mère, venue à l'époque en tant que réfugiée politique, n'a pas vu d'un bon oeil le départ de sa fille. Peut-être n'a-t-elle pas compris à quel point la recherche de ses racines était importante pour Meryem.
Meryem, du haut de ses 18 ans, ne mâche pas ses mots "j'aurais préféré naître entièrement turque qu'être métissée". Le passage le plus dur aura été celui de ses 14-15 ans. "Pour les Turcs, on est des filles faciles et pour les Français, on est des étrangers".
De confession évangéliste jusqu'à l'âge de 14 ans, elle décide alors de se convertir à l'Islam, un choix tout à fait personnel. "C'est la religion dans laquelle je me sens bien" rajoute-t-elle. Pratiquante, faisant le Ramadan, là encore, elle se met en porte-à-faux avec sa maman de religion alévie qui a bien du mal à comprendre sa fille.
Meryem est en terminale au lycée Montaigne à Mulhouse et prépare son Bac. Pour gagner quelques sous, elle travaille également au Mac Donald's proche de chez elle. Si tout va bien, elle ira à Strasbourg à la rentrée prochaine pour préparer sur 5 ans un master en turcologie. Avec son caractère bien trempé et son envie de réussir, je ne doute pas qu'elle sera, d'ici quelques années, la professeur de turc qu'elle rêve d'être.
"J'aimerais bien enseigner en Turquie et je voudrais plutôt vivre là-bas. Si je reste en France, ce sera pour mes enfants." L'avenir nous dira où le chemin de la vie va la mener.
Bon vent à toi sevgili Meryemcim, tu sais que je suis toujours à ton écoute et que si tu passes à Istanbul, ma maison t'est ouverte....