12 Décembre 2008
Güney, ce hameau perché à 1000 mètres d'altitude, où vivent huit familles en hiver et une douzaine en été, est rattaché à la commune toute proche de Seydiler, elle-même située à une trentaine de kilomètres au nord de Kastamonu et à une bonne cinquantaine de kilomètres de la Mer Noire.
Chaque famille est connue par son surnom : il y a par exemple Kadılar, les juges de l'époque ottomane, les İnce kaşlar (fins sourcils !), les Sofular (ceux qui sont instruits, au sens religieux), les Yesirler (prisonniers de la Première Guerre Mondiale").
Pour ma part, je suis chez les Hacılar, ceux qui ont fait le pélerinage à La Mecque. L'origine historique de ce surnom vient de Hüseyin Bilaloğlu, arrière-arrière-grand-père de Talip, le mari de mon amie Tülay. Il a vécu de nombreuses années à Damas et à Alep en Syrie où il exercait le métier de cuisinier. A trois reprises, en compagnie de ses chameaux, il a été le premier homme originaire de Kastamonu à faire le pélerinage de La Mecque.
Hikmet et Selim, les enfants de Tülay et Talip, les "hacılar" de Güney
Pour la petite histoire, lorsqu'Atatürk est venu à Kastamonu en août 1925, il a proposé à Hüseyin de devenir son cuisinier personnel à Ankara. Mais ce dernier, ayant beaucoup vécu à l'étranger, souhaitait alors rester auprès des siens. Deux ans après, il est d'ailleurs décédé.
J'ai rencontré hier matin les "ince kaşlar", trois générations de femmes, la grand-mère Necibe, sa fille Sevim et ses deux petites-filles de 11 et 14 ans, Ferda et Eda. J'avais beau scruter les sourcils de chacune, pas de finesse particulière à noter. J'ai donc posé la question à Sevim pour connaître le possesseur de sourcils aussi fins. Il s'agissait en fait de son arrière-grand père paternel.... Voilà ma curiosité satisfaite.
Necibe, la grand-mère des "ince kaşlar"
Les familles de Güney et des villages alentours vivent ici de l'élevage (bovins, ovins, poules et dindes) et de l'agriculture, essentiellement du blé, de la betterave sucrière et de la pomme de terre.
Des champs à perte de vue sous une petite couverture de neige
Seraient-ce les dindons de la farce ?
Les journées hivernales sont rythmées par la sortie quotidienne des vaches qui passaient régulièrement sous ma fenêtre à heures fixes, allant ou revenant de la rivière pour s'abreuver.
Le trafic des vaches est bien plus intense que celui des véhicules à Güney
Pour ceux qui cultivent, ce sont les vacances actuellement puisqu'il faut attendre le mois d'avril en général pour reprendre les travaux des champs après 4 à 5 mois de repos consécutifs à la rigueur de l'hiver.
Certaines maisons du hameau sont telles que je les aime, avec une âme toute particulière. La partie basse est composée de foin et de boue mélangés et le haut de briques de terre cuite jointes par de la boue jaune (qu'on ne trouve pas partout).
Maisons traditionnelles de Güney
D'autres sont construites avec d'épais murs en "yağlı çam", résineux qu'on trouvait dans la forêt existant aux alentours il y a plus d'une centaine d'années.
Je reviendrai sans doute à Güney à un autre moment de l'année pour continuer la découverte de cette région authentique où les habitants sont aussi chaleureux que partout dans le pays.