15 Décembre 2008
J'ai rencontré Yavuz et son épouse Songül par le plus grand des hasards en rendant une visite-surprise à une copine qui travaille au service de l'Action Territoriale de la Ville de Mulhouse.
Après notre discussion, je leur demande si je peux les rencontrer un peu plus longuement pour discuter ensemble. Et c'est ainsi que je suis invitée à déjeuner quelques jours plus tard.
Autour de la table familiale avec Nafiye, la soeur de Songül et ma copine de la mairie, invitée elle aussi
En sortant du collège, Yavuz, qui est originaire de la région de Tokat en Anatolie Centrale, a fait du commerce de légumes avec son père durant 12 ans. Après son mariage avec Songül en 1998, cette dernière tente en vain de lui trouver du travail en Alsace où elle a grandi. A plusieurs reprises, elle vient voir son mari en Turquie durant les deux ans qui suivent.
En 2000, Yavuz vient à Istanbul avant de monter dans un autobus bulgare pour se rendre clandestinement en France après avoir versé 5000 Euros à un passeur. Arrêté par la police en Italie, on lui délivre une autorisation de résidence de 3 mois. Après avoir passé quelques jours à Vintimille chez des membres de sa famille, il arrive à Paris avant de se rendre à Mulhouse.
Il loue avec sa femme une maison auprès d'un propriétaire turc. La demande d'asile politique est rejetée et une sommation de quitter le territoire dans les 30 jours lui est présentée.
Yavuz
Songül, avec qui il a déjà un premier enfant, travaille alors comme aide-cuisinière dans une taverne. Une personne membre de la C.I.M.A.D.E., Service d'entraide oecuménique aux étrangers migrants en voie d'expulsion, intervient et constitue un dossier de demande de regroupement familial en insistant sur le fait que la présence de Yavuz est nécessaire pour garder son enfant pendant que sa femme est au travail. Yavuz peut rester en France... et au bout de deux ans durant lesquels il sera "père au foyer", obtient enfin un permis de travail.
Les périodes de travail comme manoeuvre et maçon (dans une entreprise turque durant 1 mois, puis 1 an dans une autre, puis 2 ans dans une entreprise italienne) alternent avec des périodes de chômage. Actuellement, il est sans emploi depuis juillet 2008. Au début, il était facile de trouver un emploi dans une entreprise turque de bâtiment, mais ce n'est plus le cas.
Yavuz a pris des cours de français au centre socio-culturel Papin mais il ne maîtrise pas bien cette langue difficile à apprendre quand on est adulte et qu'on n'a jamais appris aucune langue étrangère.
L'année dernière, Yavuz a acheté une maison en Turquie, dans sa ville d'origine. Il aimerait y emmener sa femme et ses trois enfants pour reprendre une vie "normale" avec une activité professionnelle régulière, comme cela a toujours été le cas dans son pays.
Lui qui se sent 100 % turc, ne trouve aucun plaisir, ne se sent pas très bien en France. Son intégration n'est pas réussie et son sourire a un goût d'amertume. Lorsqu'il travaille, il a le moral, sinon celui-ci est en chute libre. Il vit ici comme s'il vivait au pays, mais cherche vainement ses repères.
Je lui souhaite vivement de trouver la voie qui le conduira à une vie meilleure, plus en harmonie avec ses aspirations.