24 Mars 2009
En déposant mon sac à dos dans le bureau de Mehmet bey qui dirige une petite société de transport national destiné au textile, je lui demande de m'indiquer au retour l'arrêt du dolmuş qui me conduira à la cascade située à 3 km du centre-ville.
Disposant d'une voiture, il est inconcevable de laisser un misafir, autrement dit un invité, se déplacer tout seul. C'est donc tout naturellement qu'il me sert de guide pour la suite de la visite.
Je ne peux me résoudre à photographier l'horrible hôtel (le mot est faible) construit juste à côté du parking près de la cascade. Par contre, la statue du célèbre poète populaire Karacaoğlan m'interpelle.
Cet artiste, dont on ignore les dates exactes de naissance et de sa décès, a vécu au XVIIème siècle dans la région de Mut, près de Silifke, ainsi qu'à Tarsus. Ses oeuvres évoquent la vie rurale ainsi que la nature, des sujets diamétralement opposés aux poésies écrites par les artistes de la cour ottomane.
Karacaoğlan jouant du saz pour agrémenter ses poèmes
Tarsus est en fait un point de jonction entre les terres et les routes maritimes qui relient la plaine de Cilicie, appelée aujourd'hui Çukurova, l'Anatolie Centrale et la Méditerranée. Appelée Cydnus dans des temps plus anciens, la rivière, longue de 142 km, porte le nom de Berdan, qui signifie "l'eau froide", mais également de Tarsus çayı, la rivière de Tarsus.
Elle dévale les pentes des montagnes du Taurus, joue au passage un rôle majeur dans le transport des alluvions du Delta de Çukurova, avant d'aller se jeter dans la mer.
L'empereur byzantin Justinien a fait détourner le cours de la rivière, qui au passage s'est métamorphosé en cascade, le but étant de protéger la ville des risques d'inondations. C'est ainsi une chute d'eau d'une hauteur d'environ 15 mètres qui dégringole les roches et offre aujourd'hui un spectacle toujours enchanteur. Au printemps, le débit est particulièrement important et avoisine les 138 m3/seconde...
Les week-ends, les tables et bancs sont envahis par les familles de Tarsus et des environs qui viennent profiter de l'environnement agréable pour pique-niquer.
Mehmet me demande si je suis intéressée par le barrage de Berdan situé à trois kilomètres de là, évidemment que je le suis ! Avant que la rivière ne franchisse ledit barrage, les rives ont été aménagées il y a quelques années et c'est à présent un lieu très prisé de la population locale.
On y vient en famille, aux beaux jours, se détendre, faire un "mangal" (barbecue), Certains d'ailleurs s'y sont mis le jour de notre visite. Si j'avais pu rester le lendemain, rendez-vous était pris pour revenir ici avec toute la petite famille de Mehmet pour griller la viande et profiter des lieux.
En contrebas du barrage, je suis intriguée par des camions et des personnes affairées dans l'eau. Après avoir interrogé Mehmet sur l'activité de celles-ci, je lui propose d'aller voir de plus près.
En fait, les producteurs d'oignons, d'ail et de pommes de terre du coin viennent ici pour nettoyer les légumes de la boue qui s'y trouve...
Une petite botte d'oignons frais bien goûteux !
De retour en ville, c'est en direction de Eski cami, la vieille mosquée que nous allons. Les historiens ne sont pas certains de sa date de construction. A l'origine c'était une église qui se trouvait là, si l'on se réfère aux documents existants.
Le bâtiment, aux murs épais, est de style roman et les fenêtres sont de taille réduite. Il a commencé à servir de mosquée en 1415 du temps de la principauté de Ramazanoğulları. La porte sud a été remplacée par un mihrab et un minaret a été ajouté à l'angle sud-ouest.
Sur la place en face de eski cami, une statue, celle de Şahmeran, une femme serpent légendaire qui vivait dans les grottes de la région. Pour ceux qui veulent connaître la légende qui entoure Şahmeran.
Les restes des anciens bains romains de la ville se trouvent à quelques pas de l'ancienne mosquée. Les bains étant très grands, il fut nécessaire d'ouvrir un passage, sans endommager l'intérieur, afin d'accéder aux parties arrières du site.
Les restes visibles de nos jours consistent en deux murs d'une épaisseur de 3 mètres et d'une hauteur approximative de 9 mètres. Quelques vestiges subsistent derrière la zone grillagée, dont un bassin situé dans une pièce chauffée alors par un système installé par le dessous.
D'autres fouilles ont été entreprises récemment à Tarsus afin de mettre au jour des richesses encore cachées. J'ai entre-aperçu des excavations abritant des constructions de pierre dont j'ignore malheureusement les fonctions d'origine.
Il y aurait encore bien des choses à montrer et à dire sur cette ville, au passé sans doute glorieux, qui compte aujourd'hui environ 250000 habitants. On y trouve de nombreux parcs, des statues insolites érigées à chaque carrefour ou presque, un zoo, un musée que je n'ai pu voir,...
Mais je dois songer à continuer ma route. Je croise au passage Ahmet le tatlıcı, le vendeur de gâteaux, qui a terminé sa journée et pousse sa charrette presque vide devant lui.
Un petit tour par le petit café du coin où les anciens se retrouvent pour jouer aux cartes ou aux dominos. Difficile de s'y frayer un passage tant les tables sont proches les unes des autres. L'ambiance y est bon enfant et il me plairait bien de m'y attarder.
Ne triche pas, je t'ai à l'oeil !
Avant de partir, je m'installe un moment dans le bureau de Mehmet où viennent nous rejoindre quelques personnes croisées lorsque j'écoutais la musique ce matin.
La discussion bat son plein et chacun y va de sa petite histoire, d'une anecdote qui revient à l'esprit, une fois la curiosité satisfaite concernant cette femme qui visite le pays et fait partager ses découvertes et rencontres avec ses lecteurs de la planète internet.
En tout cas, si vous passez dans la région, consacrez au moins une journée de visite à Tarsus, elle le mérite amplement.