Faire connaître la Turquie et ses habitants avec les yeux d'une alsacienne qui y vit depuis 19 ans.

Du bretzel au simit

Baki Kızgınkaya, un "muhtar" pas comme les autres



En ce 29 mars 2009, 48 665 000 électeurs turcs vont élire les Maires et Conseillers Municipaux , mais également les "muhtar", maires de quartiers ou de villages, sans étiquette ni appartenance politique.

Hier, au hasard de ma promenade, j'eni ai  rencontré un très attachant à qui je souhaite rendre un petit hommage.

Tout a commencé le matin à Emirgan, joli quartier d'Istanbul situé sur la rive européenne du Bosphore. En me dirigeant vers le parc qui accueillera dans les prochaines semaines des milliers de visiteurs lors de son exposition annuelle de tulipes, une affiche sur un arbre m'intrigue. Un homme d'un âge certain, chapeauté, la chemise ornée d'un noeud papillon, est candidat au poste de "muhtar". Son look étant pour le moins surprenant, je photographie son portrait.

                         

En revenant au village, je  m'assieds sous l'immense platane qui abrite plusieurs "çay bahçesi", ces jardins à thé où il fait bon se restaurer. Devant la mosquée contiguë, dont le minaret fait une cure de jouvence, des dizaines d'affiches portent toutes le même visage, celui du "muhtar au papillon"...

Justement, le voilà, de petite taille, s'aidant d'une canne pour marcher, son élégance et son attitude m'interpellent. Je prends quelques informations...auprès du serveur que je connais. Il me faut échanger quelques mots avec le candidat.

Avant cela, j'arpente quelques rues aux alentours. Les slogans sont partout, aussi originaux que le postulant... 

             
                           "Nous avons un muhtar, on n'en veut pas d'autre, Baki bey, tu suffis"

             
 "Un nouveau printemps va arriver, les fleurs vont arriver, Baki Kızgınkaya va venir, les papillons vont voler"

A mon retour, je le cherche du regard, il est à la  "muhtarlık", son petit bureau installé également à l'ombre du platane. Les présentations faites, il me propose de boire un café ou un thé pour continuer la discussion.

Baki Kızgınkaya est né dans une famille très pauvre d'Erzincan, une ville d'Anatolie orientale, il y a ... 80 printemps. Orphelin de père à l'âge de 1 an et demi, il est élevé plus tard par une tante après le remariage de sa mère dont le nouveau conjoint ne l'accepte pas. Il quitte l'école sans en avoir terminé le cycle moyen. 

                      
Deux épingles représentant le drapeau turc sur le revers de sa veste ainsi qu'une rosette d'Atatürk sur le veston et sur le chapeau, complètent la série d'accessoires

Après son service militaire, il vient à Istanbul en 1952 sans le sou, dormant au café où il travaille d'abord, habitant les quartiers populaires de Fener et de Balat. Il répare des chaussures, devient porteur dans une entreprise, mais son corps ne supporte pas ce dur labeur. Lorsqu'un médecin lui dit conseille de trouver un emploi où il ne sera pas obligé de soulever de lourdes charges, c'est ... vers la photo qu'il se tourne.

Sans avoir jamais étudié cet art, il apprend lui-même petit à petit à manier et à dompter cet appareil. Les quartiers d'Eyüp ou de Beyoğlu n'ont plus de secrets pour lui. Il les fixe sur son objectif...qui va lui permettre, par la suite, de travailler durant 22 ans pour Sakip Sabancı, un des hommes d'affaire les plus riches d'Istanbul, demeurant dans le "Atlı Köşk" tout proche qui  abrite depuis 2002 son superbe musée privé. Il est de toutes les réceptions, photographie mariages, cocktails, réunions en tous genres.

                             
                 Le regard est toujours pétillant de malice, le ton enjoué et volontiers farceur           

Il se marie en 1958 avec la toujours pimpante et souriante Sabriye que j'ai croisée hier. Ils ont fêté l'an passé leurs noces d'or et 3 enfants sont nés de cette union.

Avec Baki bey, tout dure longtemps, cela fait aussi 25 ans qu'il exerce ainsi les fonctions de "muhtar" d'Emirgan où il est venu s'installer. Toujours élégant, un sourire permanent aux lèvres, une gentillesse naturelle se dégage de ce petit homme qui porte le noeud papillon... depuis une quarantaine d'années.  Il en a une bonne trentaine qu'il harmonise avec ses complets, noirs en hiver, blancs l'été.

Tout le monde l'apprécie visiblement et il le mérite bien. Même durant notre long échange, durant lequel il a profité pour me prendre en photo également, on vient lui apporter des documents administratifs à signer. 

                         


Rendez-vous est pris d'ici quelques temps pour voir certaines de ses photos et évoquer ensemble la belle Istanbul qui lui a tout donné...

Bakir bey, je vous souhaite de devenir le "muhtar" le plus âgé, vous êtes sans nul doute déjà le plus populaire...

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L
Un personnage singulier et attachant!
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N
<br /> <br /> Très attachant Baki bey, il est trop tard ce soir pour appeler son bureau pour voir s'il est bien réélu...<br /> <br /> <br /> <br />
D
Tonton bir adam.
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N
<br /> Çok tatlı bir adam...<br /> <br /> <br />
N
Un personnage aux allures bien sympathiques !
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N
<br /> C'est le moins qu'on puisse dire...<br /> <br /> <br />
C
Non seulement il a belle prestance et il est sympathique .... mais en plus il est photograhe!! alors là tu as encore fait une très belle rencontre
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N
<br /> Il avait tout pour me plaire... Il suffisait de croiser sa route !<br /> <br /> <br />
P
Super, ce petit reportage...j'aime !<br /> il fait beau ici ce matin , le printemps enfin ?!...
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N
<br /> J'ai passé un très bon moment pour la préparation de cet article. Ici, aussi, le printemps est arrivé.<br /> <br /> <br />
E
il a l air bien sympa ce Monsieur<br /> <br /> change de tous les conseillers municipaux et n a pas l air de se faire une grosse t^te<br /> je te souhaite un bon dimanche
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N
<br /> Plus que sympathique, Baki bey, un personnage comme je les aime. Bonne fin de journée.<br /> <br /> <br />