1 Mai 2009
Mes yeux et mon visage ont repris leur aspect normal après avoir été mis à mal par les gaz lacrymogènes qui ont envahi entre autres Beyoğlu en ce 1er mai. Si j'avais enfilé la tenue de rigueur indispensable aujourd'hui, cela n'aurait pas été le cas.
La tenue du 1er mai
Il faut dire que depuis ce matin, de bonne heure, les alentours de Taksim avaient pris une allure singulière.
Un hélicoptère circule bruyamment au-dessus de nos têtes pour observer la situation.
Un hélicoptère virevolte autour de l'hôtel Marmara sur la place de Taksim à Istanbul
Avant 10 h 30 déjà, une vitrine proche de chez moi vole en éclats.
Des dizaines de barricades sont en place et des centaines de policiers ont envahi les rues et boulevards, munis de casques, de masques, de gilets pare-balles, de matraques et d'autres objets divers et variés pouvant être utiles un tel jour.
Siraselviler Caddesi, devant l'hôpital allemand, on ne passe plus
Pour circuler, le choix est relativement restreint et le labyrinthe des ruelles de Beyoğlu n'arrange pas la situation.
On contourne, on change de trajectoire ou... on escalade ?
De nombreux commerçants d'Istiklal Caddesi et du quartier ont baissé leur rideau en ce 1er mai, l'avenue est étrangement calme malgré la tension qui monte au fur et à mesure des minutes qui passent.
11 h 51, Istiklal Caddesi
A côté de la mosquée d'Istiklal Caddesi, un panzer, quelques mètres plus loin, de part et d'autres, une ambulance... au cas où !
Le vélo ne fait pas le poids face au panzer, il faut passer ailleurs...
Plusieurs ambulances sont là, en cas de besoin
12 h 23, en moins de temps qu'il n'en faut pour dire ouf, un groupe de manifestants remonte de Galatasaray en direction de Taksim.
Les forces de l'ordre se préparent... et la vision est étonnante, presque surréaliste !
La police demande de dégager, l'intervention est immédiate, les barricades se lèvent !
Un nuage de gaz important envahit la rue dans laquelle se sont engouffrés les manifestants. L'affrontement a été de courte durée...
Un restaurant que je connais dans une ruelle proche veut bien m'ouvrir la porte. Je m'y abrite. Des serviettes imbibées de jus de citron et de l'eau sur les yeux me feront le plus grand bien, pourtant j'étais assez loin des gaz...
Je fais un détour par Siraselviler Caddesi où un peloton de la sécurité part à la rencontre d'un groupe de semeurs de trouble annoncé non loin de là.
Plusieurs femmes font partie des services à pied d'oeuvre aujourd'hui
Je retourne finalement sur İstiklal Caddesi, le cortège principal venant de Pangaltı, Mecidiyeköy et Şişli n'ayant pas encore envahi l'avenue. Pourtant, certains commerçants ramassent déjà les morceaux de vitrine...
Le panzer s'est déplacé entre temps, il se passe quelque chose dans la petite rue à droite, on va aller voir de plus près...
Ce n'était pas une bonne idée , mais alors vraiment pas du tout... Sur les deux photos qui suivent, tout semble pourtant calme...
Je me demande encore comment j'ai réussi à prendre la photo ci-dessous, asphyxiée par les gaz de la rue, la gorge en feu, les yeux en larme... Je rebrousse chemin immédiatement, je ne suis pas assez protégée.
Je décide d'en arrêter là pour aujourd'hui... Au retour, larmoyante, je dois à nouveau m'abriter dans un petit restaurant, mais cette fois-ci pour éviter un groupe qui déboule de deux ruelles en criant...
En descendant dans ma rue, je vois que la police est présente au bas de l'escalier tout proche...
Je commençe à entreprendre le transfert des photos prises lorsque des bruits attirent mon attention... Je remets ça à plus tard... il y a de l'ambiance dans l'air, il est 13 h 36.
Ce n'est qu'un petit groupe de manifestants qui empruntent la rue... quelques slogans, quelques banderoles... mais à peine 5 minutes plus tard, des pierres volent...
Jusque dans ma paisible petite rue de Cihangir, des affrontements ont lieu entre un groupe de manifestants et la police.
Les pierres sont jetées du haut de l'escalier à quelques mètres de mon immeuble, à côté de l'échoppe du cordonnier.
Un groupe de policiers grimpe l'escalier en face en se protégeant au mieux pour venir à la rencontre des manifestants. Les images donnent une idée de l'atmosphère du moment...
Le tout aura duré cinq bonnes minutes, largement suffisantes... Quand on voit la taille de certains débris qui jonchent la rue, il vallait mieux ne pas être aux premières loges...
Le jeune homme est-il blessé ou fait-il partie des "lanceurs de pierre", je ne suis pas allée demander...
On dévie une partie de la circulation piétonne, on fouille certains passants au passage.
Ma rue va ainsi rester sous alerte durant une heure, ambiance vraiment particulière...
Bilan au milieu de l'après-midi suite aux tumultes de la journée : une dizaine de personnes hospitalisées (dont au moins un policier blessé à Cihangir) et une quinzaine de manifestants en garde à vue.
La sélection de ces photos, parmi les plus de 300 prises en quatre heures, a été longue. Je ne pensais pas passer autant de temps sur le sujet d'aujourd'hui, mais lorsqu'on est pris dans le feu de l'action...