28 Août 2009
Beşiktaş, ce quartier très vivant d'Istanbul sur la rive européenne, abrite une des plus belles églises de Turquie, l'église arménienne Surp Asdvadzadzin (Meryem ana).
Il suffit de grimper la rue pentue située à l'arrière du marché aux poissons pour découvrir sur le mur d'enceinte la plaque indiquant le nom de l'édifice. Par le passé, les arméniens étaient nombreux à vivre à Beşiktaş, aujourd'hui la communauté n'est composée que d'environ 150 personnes.
Une école arménienne se trouve non loin de là, récemment vendue au musée privé de Pera qui va la transformer en centre artistique.
Ce dimanche d'août, en fin de matinée, la lourde porte est ouverte. Dans la cour, le gardien, avisé de ma visite, m'invite à suivre la fin du culte.
L'extérieur ne donne qu'une vague idée de la richesse du lieu.
Clocher vu de la rue lorsque le portail est fermé
Il est difficile de s'imaginer, en voyant cette façade, ce qui vous attend une fois l'entrée franchie.
Une quinzaine de fidèles, tout au plus, sont réunis là, la plupart d'un âge certain, les femmes à gauche, les hommes à droite. En hiver, c'est une petite trentaine au maximum qui vient suivre le culte dominical durant une heure et demie.
Le culte, entièrement en arménien, est assuré par le père Antreas Hagopyan. Un homme et une femme, dont les cheveux sont drapés d'un léger voile blanc, tous deux vêtus d'une soutane, animent la célébration de leurs chants.
Deux autres religieux assistent le père, l'un agite régulièrement le marwahto, cet éventail en argent dont les bruits dégagés par les grelots éloignent les mauvais esprits et qu'on retrouve aussi chez les syriaques, l'autre un encensoir. L'heure est à la prière et l'atmosphère particulièrement recueillie.
Nous sommes dans une église arménienne apostolique dont le rite est proche de celui des orthodoxes.
A plusieurs reprises, un lourd rideau gris est tiré devant l'autel. Durant les 40 jours de carême qui précèdent Zadig, la Pâques, celui-ci sera de couleur noire. Par contre, lors de la célébration pascale, la tenture ainsi que la décoration se déclinent en rouge.
C'est également ce jour-là que le ravissant meuble posé à gauche dans l'entrée de l'église sera exposé lors de la célébration, source de lumière et paré de fleurs.
Tour de lumière exposée à Pâques
C'est en décembre 2007 que le jury du quotidien turc Hürriyet, composé de religieux, d'historiens de l'art, de sculpteurs et d'agents du tourisme culturel, liste les dix plus belles églises de Turquie L'église arménienne de la Vierge Marie de Beşiktaş arrive en troisième position.
Cette église a été construite en 1838 sur l'emplacement d'une chapelle en bois par Garabet Amira Balyan, membre de la très célèbre famille d'architectes arméniens, auteurs de plus de 70 édifices divers à Istanbul. Le plus célèbre réalisé par Garabet Balyan et son fils Nigoğayos n'est rien de moins que le somptueux palais de Dolmabahçe, construit entre 1842 et 1853.
Le triangle équilatéral dans lequel figure l'oeil, symbole de la Trinité
A l'époque, tout bâtiment autre qu'une mosquée ne pouvait avoir de dôme. Pourtant, cette église arménienne traditionnelle en possède bien un, d'ailleurs splendide.
Il est impossible de deviner son existence de l'extérieur, celui-ci étant dissimulé par un toit. La prouesse architecturale est de taille !
Détail du centre du dôme
De part et d'autre de la nef, entre les colonnes surmontées de riches décorations, une dizaine de toiles, de grande taille, représente les 12 Apôtres.
La position du soleil à cette heure-ci provoque un faisceau de lumière rouge, presque irréel, qui vient éclairer Saint-Jacques !
Un autre Saint (mais lequel ?) expose son visage dont le regard porte vers le ciel...
La décoration est riche, particulièrement au niveau de l'autel. Il faudrait bien plus de temps pour observer chaque détail, chaque partie ouvragée.
Les arcades abritent des stucs finement travaillés représentant des compositions florales agrémentées de grappes de raisins.
Ces motifs semblent bien être la marque de fabrique de Garabet Amira Baylan puisqu'on les trouvent également au Palais de Dolmabahçe.
D'autres peintures, de tailles diverses, viennent compléter le décor de cette église qui mérite le détour.
Même si le portail de la belle église Surp Asdvadzadzin est fermé lors de votre passage, n'hésitez pas à activer la sonnette. Le gardien se fera un plaisir de vous la faire visiter ; par contre pour les photos, il faudra d'abord obtenir une autorisation du patriarcat arménien...