Faire connaître la Turquie et ses habitants avec les yeux d'une alsacienne qui y vit depuis 20 ans.

Du bretzel au simit

Adem, 16 ans de vie en fauteuil roulant à Istanbul

Il y a quelques semaines, ma route croise celle d'Adem dans un bus longeant le Bosphore sur la rive asiatique d'Istanbul. 

De ma discussion durant le trajet avec ce jeune homme enjoué résulte le désir de partager quelques heures avec lui et d'en savoir plus sur la situation des handicapés moteurs à Istanbul. Rendez-vous est pris un samedi matin d'octobre à Rumeli Hisarı, tout près de là où il habite depuis 25 ans avec ses parents.

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                    Adem dans un jardin à thé qu'il fréquente avec plaisir

Après son service militaire, Adem, originaire de Kars, travaille comme couturier et assemble des manteaux de cuir. A l'âge de 22 ans, sa vie bascule le jour où, pris d'un malaise en aidant un vieil oncle, il tombe du haut d'une terrasse. La nuque brisée et la moelle épinière touchée, il se retrouve paralysé des membres inférieurs.

Il passe près de six mois dans l'hôpital spécialisé de Haydarpaşa puis une période équivalente dans un centre de réhabilitation. Il y a 10 ans encore, notre rencontre aurait été impensable, Adem étant alors quasiment coupé du monde, ne pouvant sortir de chez lui.

Depuis l'entrée en vigueur le 1er juillet 2005 d'un décret concernant la prise en charge des infirmes et de leurs familles, la vie quotidienne des handicapés s'est considérablement améliorée au fil des années, notamment à Istanbul, les pouvoirs publics ayant fait beaucoup d'efforts dans ce domaine.

La mairie procède au recensement des infirmes en faisant du porte à porte. Les chiffres sont éloquents, près de 500 000 personnes sont concernées, soit environ 3,5 % de la population istanbouliote...

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         Un fauteuil électrique permet à Adem de disposer d'une autonomie importante

Une vingtaine de centres offrant des services variés vont fleurir aux quatre coins de la ville. Il suffit de composer le 153 pour disposer d'une panoplie complète de services gratuits des plus divers dont la liste est sans fin.

Adem peut disposer d'un véhicule aménagé et d'un assistant pour lui permettre d'aller aussi bien à un rendez-vous à l'hôpital qu'au cinéma, à la mosquée ou ailleurs et d'être ramené à son domicile à l'heure convenue.

Médecins et infirmières assurant les soins nécessaires sont envoyés à domicile tout comme des artisans pour effectuer par exemple les réparations sanitaires, électriques... etc.

Les handicapés qui ne sont pas assurés sociaux disposent de la carte verte pour une prise en charge entière des prestations médicales allant de la fourniture des médicaments à l'opération en passant par la mise à disposition d'un fauteuil roulant, la thérapie... etc.

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                                 Adem, toujours le sourire aux lèvres

L'Etat turc verse également une allocation tant au handicapé lui-même qu'à la personne qui s'occupe de lui, en l'occurrence dans le cas d'Adem, à sa mère. Le montant cumulé de ces deux prestations se monte à environ 1000 TL par mois, soit 400 €.

Les frais de scolarité directs et annexes des enfants handicapés ou de parents handicapés sont aussi pris en charge.

Un village de vacances a été spécialement conçu pour accueillir les handicapés et leurs familles à Florya, quartier d'Istanbul au bord de la mer de Marmara.

Pour ce qui est des transports en commun, qu'il s'agisse des bateaux, du métro, du tram, des nouveaux autobus, du metrobus, ils sont accessibles aux personnes à mobilité réduite.

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                                 A la sortie du bus, le jour de notre première rencontre

Si les handicapés ne payent pas un kuruş pour leurs déplacements avec les véhicules municipaux, les bus longue distance ou les trains, une réduction de 40 % est la règle pour les transports aériens. Les places de cinéma sont souvent gratuites, parfois à demi-tarif.

De nombreuses associations de handicapés travaillant en partenariat avec les municipalités existent à travers le pays, porte-paroles de cette population qui représente 8,5 millions de personnes en Turquie, mais aussi organisatrices d'activités culturelles et sportives, de rencontres, de sorties.

La législation actuelle en Turquie oblige les entreprises de plus de 100 salariés à embaucher 7 % de travailleurs handicapés dans le secteur public et 4 % dans le secteur privé.

D'après Adem, le regard que pose aujourd'hui sur lui son entourage, tant les voisins que les commerçants ou ceux qu'il croise régulièrement, est très différent de ce qu'il a connu par le passé. Il a fallu du temps pour se faire intégrer par la société.

Finalement, sa vie quotidienne ressemble à celle de monsieur tout le monde en Turquie et c'est tant mieux. Toujours actif et indépendant, constamment sur pieds par le passé, il vaque aujourd'hui à ses occupations, fait ses courses, fréquente le jardin à thé où nous nous sommes revus, va prier à la mosquée. Il apprécie qu'on le regarde comme un être humain, pas comme quelqu'un de différent...

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Adem, qui caresse tous les matins l'espoir de pouvoir marcher à nouveau un jour, se donne les moyens d'améliorer ses capacités motrices. Il y a deux mois, il a subi une opération d'une jambe à l'hôpital Sabancı de Baltalımanı. Ayant perdu une quantité de sang considérable, la seconde n'a pu être traitée en même temps mais cette intervention qu'il souhaite devrait intervenir dans les semaines à venir.

Sous peu, il devrait pouvoir commencer à faire construire à Beykoz une maison de plein-pied qui lui permettra d'être encore plus autonome et d'envisager de travailler soit à domicile, soit à l'extérieur, peut-être dans une centrale d'appels pour le service clientèle d'une banque comme cela lui a été proposé à plusieurs reprises.

Je ne suis pas sortie indemne de ces heures passées avec Adem. Je garde l'image de son sourire radieux, de son humour, de sa capacité à s'émerveiller des belles choses qui l'entourent, de sa curiosité et de son optimisme :  " La mission de chacun sur cette terre est de vivre tel qu'il est. La vie est belle, je suis libre et heureux... " me dit-il en substance.

Il est aussi gentleman assurément, pour preuve son aide proposée pour porter mon sac...

En cliquant ici, vous pourrez lire la version turque de cet article.

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F
Bonjour, Je serai à Istanbul du 11 au 25 juillet 2015. Je souhaites louer un lève-personne pour le transfert d'une personne handicapée au lit et à la chaise roulante. Est-ce que vous connaissez une ressource où je peux louer un appareil de transfère. Votre aise serais plus qu'apprécié. Merci
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N
Ravie d'avoir pu régler ta demande ensemble et à très vite à Istanbul chère France !
S
Je voudrais aller a Istanbul en 2017 je suis en fauteuil de puis <br /> 10 ans demande information ?
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N
Bonjour Susie, pouvez-vous me contacter par mail par le biais de la rubrique contact tout en bas de la page d'accueil svp et je vous répondrai avec grand plaisir.
M
<br /> Lors de mes séjours à Istanbul,je m'étais posée la question du handicap car certains quartiers ont des trottoirs"très accidentés",voilà la réponse à mes interrogations.<br /> Je me permets de dire aussi que Istanbul n'a rien à envier à notre pays:on est loin d'avoir totalement pris en considération la situation de handicap quel qu'il soit...<br /> <br /> <br />
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R
<br /> tout est dit dans votre phrase "mourir un peu pour renaître autrement" magnifique et émouvant témoignage<br /> <br /> <br />
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M
<br /> Ne soyons pas trop critiques et, à l'image du sourire d'Adem, louons toutes les actions qui se font pour les personnes handicapées et soyons tous, où que nous vivions, les acteurs pour améliorer<br /> leur quotidien... Merci, Nat pour ce témoignage et j'encourage la volonté d'Adem que j'admire<br /> <br /> <br />
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P
<br /> belle rencontre et bel article<br /> Bravo à Istanbul d'être autant attentionné<br /> <br /> <br />
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G
<br /> oui enfin handicapé à istanbul et handicapé dans l'est de la turquie ça doit pas être la même histoire... l'offre de soins doit pas être aussi performante et j'imagine la prise en charge... arrêtez<br /> de comparer ce qui n'est pas comparable :)<br /> <br /> <br />
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N
<br /> <br /> Le titre de l'article ainsi que son contenu évoque la situation à Istanbul. Je veux bien croire qu'il y a des différences notables selon les régions et je ne compare nullement....<br /> <br /> <br /> <br />
F
<br /> L'histoire, la vie et le sourire d'Adem doit nous servir d'exemple !<br /> Bravo Nathalie de nous l'avoir presente ; je lui souhaite le meilleur car il le merite !<br /> FANNY.<br /> <br /> <br />
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L
<br /> Nathalie, merci de partager cette belle rencontre avec un accidenté de la vie. Bravo pour son courage, son optimisme. Son sourire, est à l'image du Peuple turc, n'en déplaise aux détracteurs<br /> européens qui ne connaissent pas la Turquie. Pour les aides, la France devrait prendre modèle.<br /> <br /> <br />
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N
<br /> <br /> Je me pencherai bien volontiers sur les aides proposées dans l'hexagone...<br /> <br /> <br /> <br />
J
<br /> La prise en charge des handicapés est un indice d'une intégration à la civilisation. Bienvenue à la Turquie dans le monde des pays civilisés !<br /> <br /> <br />
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