20 Septembre 2011
Après avoir découvert récemment l'aqueduc d'Eğri construit par Sinan dans le cadre du colossal chantier d'alimentation en eau potable d'Istanbul réalisé entre 1554 et 1564, c'est l'aqueduc de Mağlova, autre ouvrage d'art de l'architecte ottoman le plus célèbre, dont je vous propose la visite aujourd'hui.
L'aqueduc de Mağlova
Situé à l'est de Kemerburgaz, il se profile au-dessus de la rivière d'Alibey débouchant tout au fond de la Corne d'Or. Ce cours d'eau abrite le barrage d'Alibeyköy, principale réserve d'eau de la partie européenne de la mégalopole réalisée entre 1975 et 1983 et plus important barrage du pays avec une production annuelle de 39 hm³ d'eau potable.
La rivière d'Alibey du haut de l'aqueduc de Mağlova
Mağlova fait partie des quatre aqueducs de Sinan achevés vers 1563-64, les autres étant ceux d'Uzun, Eğri et Güzelce.
Sous une arche
L'élégant édifice de pierre comporte deux étages de huit grandes arches en haut et 8 petites à l'étage inférieur.
L'aqueduc de Mağlova
D'une longueur de 258 m et d'une hauteur de 36 m, cet ouvrage a été construit initialement entre 1554 et 1562 dans la vallée d'Alibey.
Suite aux désastreuses inondations de 1563, Il a fait l'objet d'une reconstruction encore plus coûteuse l'année suivante, plus de 50 millions d'akçe à l'époque. Pour donner une idée de comparaison, la mosquée de Soliman le Magnifique aurait coûté à peine 9 millions d'akçe en plus...
Utilisé également comme chemin piétonnier d'une rive à l'autre grâce à un couloir de circulation courant entre les piliers, Mağlova allie les éléments fonctionnels et esthétiques de manière particulièrement réussie.
Enfilade de marches
Tout en haut de l'aqueduc de Mağlova...
L'aqueduc de Mağlova a été conçu avec des calculs d'ingéniérie particulièrement poussés.
A la différence des aqueducs romains - tel l'aqueduc de Valens réalisé à Constantinople au IVème siècle - où l'eau est véhiculée via un conduit intérieur constitué d'une série d'arches supportées par des piliers massifs et droits, le système préconisé par l'architecte de Soliman le Magnifique utilise de nouvelles solutions techniques.
Sinan réalise là des arcs d'une largeur inférieure à celle communément utilisée antérieurement, agrandit les piliers perpendiculaires aux arches et les prolonge en forme pyramidale inversée, formant ainsi une réalisation tridimentionnelle au lieu de la classique forme bidimentionnelle.
Pour cette raison, cet aqueduc résiste beaucoup mieux aux forces horizontales. De plus, sur chaque pilier pyramidal, Sinan construit trois arches au lieu de deux, accentuant ainsi les possibilités de déversement en cas d'inondation et absorbant par la même occasion toutes les pressions verticales et diagonales grâce à son unité aérodynamique.
Particularités techniques de l'aqueduc de Mağlova
L'accès à l'aqueduc de Mağlova n'est pas des plus aisé par la voie terrestre et c'est tant mieux, préservant ainsi le magnifique site naturel qui l'entoure et offrant uniquement sa beauté aux visiteurs occasionnels.
Tous les ans, d'avril à septembre, des pêcheurs munis d'une carte de "pêcheur amateur" délivrée par le Ministère de l'Agriculture, viennent ici principalement le week-end pour se consacrer à leur passe-temps favori.
La pêche est bonne, qu'il s'agisse de levrek (bars) d'eau douce pesant entre 1 kg et 1,500 kg, de çapak (brêmes), de sazan (carpes), de turna (brochets esox), de yayın (silures glanes), de kızılkanat (rotengles), voire même de sardines.
Turgay avec deux superbes bars d'eau douce
Les pêcheurs à la ligne attrapent en moyenne 7 à 8 kg de poisson par jour, ceux qui jettent les filets le soir et les récupèrent le lendemain, environ 50 kg.
Certains pêchent directement de l'aqueduc...
En plein été, la hauteur de l'eau est d'environ 8 m et monte à 15-16 m en hiver.
Père et fils à la pêche sur la rivière Alibey
De nombreux goélands et mouettes nichent également tout près de l'aqueduc. Les hirondelles, quant à elles, viennent tout simplement faire leur nid à l'abri des piliers.
Envol de goélands
Un nid d'hirondelle à l'ombre d'un pilier de l'aqueduc
Dommage que lors de ma visite sur les lieux, je n'ai pu assister aux bains de boue pris par les buffles vivant dans les environs et qui ensuite se jettent à l'eau pour se laver... Nous en avons croisés sept au retour, spectacle tout du moins surprenant quand on est à Istanbul...
Des buffles à Istanbul...
Un grand merci à mon ami Hüseyin pour cette découverte que je souhaitais faire depuis plusieurs mois ainsi qu'à Turgay grâce à qui l'accès à pu se faire par la voie des eaux, une bien belle surprise.
Et pour terminer en beauté cette journée, rien de tel qu'un bon pique-nique préparé par Arife au bord de l'Alibey