28 Mars 2011
A quelques minutes à peine de la belle mosquée de Şehzade se trouve l'ancienne église orthodoxe byzantine Theotokos Kyriotissa devenue depuis la mosquée Kalenderhane. Deux accès permettent de s'y rendre dont un qui passe directement sous l'aqueduc de Valens.
L'accès à Kalenderhane camii par l'aqueduc de Valens
A l'origine, une église absidiale dédiée au Christ Akataleptos aurait été construite là au VIème siècle, sur les ruines d'anciens thermes, puis agrandie le siècle suivant.
Il reste quelques vestiges visibles du bâtiment initial entre l'aqueduc et la mosquée. L'édifice que l'on voit aujourd'hui date, quant à lui, de la fin du XVIIème siècle.
Kalender camii à Istanbul
Après la prise de Constantinople en 1453 par Fatih Sultan Mehmet, ce dernier attribue les lieux à l'ordre des Kalender, derviches au service de l'armée ottomane, qui lui vaudront sa dénomination actuelle de "maison des Kalender".
Une architecture dans le plus pur style byzantin
A la suite des incendies de 1718 et 1727, Maktul Beşhir Ağa, grand eunuque au palais de Topkapı, transforme l'église en mosquée et y fait ériger un mihrab, un minbar ainsi qu'un minaret.
Du marbre de toutes les couleurs dans la mosquée Kalenderhane
Après la visite des lieux par le scientifique et topographe français Pierre Gilles au XVIème siècle, l'existence même de cette ancienne église est quelque peu oubliée par la communauté grecque de Constantinople jusqu'à ce que le chercheur Paspates, à la recherche des restes antiques de la ville, la "redécouvre" en 1877.
Il n'obtient pas l'autorisation d'y accéder, permission délivrée finalement au Dr Freshfied en 1880, premier européen à pénétrer dans ce lieu de culte depuis Pierre Gilles et à témoigner de sa beauté.
Des tons pastels pour la mosquée Kalenderhane d'Istanbul
Un article du net décrit la mosquée en lui donnant le nom d'église Sainte-Marie Diaconissa et l'on y trouve des photos prises en 1903 provenant des archives du musée de Brooklyn.
Un compte-rendu des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres datant de 1909 décrit ainsi l'intérieur : "La nef est tapissée de marbres polychromes qui charment l'oeil par la juxtaposition harmonieuse de leurs couleurs. Cet effet décoratif est enrichi encore par l'emploi de plaques sculptées, de pilastres élégants soutenant un entablement richement orné : seule la décoration des voûtes a disparu, détruite ou simplement cachée peut-être par le badigeon."
Les plaques de marbres visibles de nos jours sont d'origine et ont allègrement traversé les siècles.
Devenue une ruine dans les dernières années de l'Empire ottoman, la mosquée voit son minaret s'effondrer en 1930, atteint par la foudre. Des travaux de restauration vont s'étaler de 1966 jusqu'en 1972, année de réouverture du site au culte.
Détail d'ornementation
De même, des fouilles archéologiques sont menées entre 1966 et 1975 avec l'Université Technique d'Istanbul et l'Université de Harward. Une mission archéologique de Dumbarton Oaks, institut de l'Université américaine, et dirigée par C. Lee Stricker, va d'ailleurs aboutir à une découverte extraordinaire.
Des vestiges de l'église byzantine à l'entrée du nartex
En 1966, les archéologues démolissent un mur visiblement étranger à la basilique et ont la surprise de trouver devant eux une fresque composée de deux panneaux dans une chapelle surmontée de l'inscription : Domine, dilexi decorem domus tuae et locum habitationis gloriae tuae.
Curieux mélange de différentes époques
Sur le premier panneau, Saint-François d'Assise, accompagné de deux autres religieux en partie effacés, se tient debout, les bras levés, prêchant aux oiseaux installés à ses pieds. Trois personnages, dont les figures ont disparu, se trouvent sur le second panneau. Cette trouvaille prouve de façon irréfutable que la basilique était aux mains des Franciscains pendant l'occupation latine du 13ème siècle (1204-1261).
Restes de peintures de l'époque byzantine
Durant sept siècles, la fresque a été ainsi cachée à la vue de tous, les Byzantins voulant peut-être éviter le culte d'un saint étranger, à fortiori latin. Néanmoins, tant la chapelle que son contenu ont pu être préservés grâce à la conviction qu'avaient les Franciscains de ne pas laisser au regard des Byzantins deux éléments qu'ils auraient sans aucun doute détruits. (Source : notes d'archéologie de Raymond Janin - revue des études byzantines, 1970)
Le dôme actuel de la mosquée Kalenderhane
Plusieurs peintures murales et inscriptions au nom de Panaghia Kyriotissa - "Notre-Dame, Mère de Dieu" - sont également découvertes lors des fouilles de 1966.
C'est à présent au musée archéologique d'Istanbul qu'il revient de conserver les trésors cachés de Kalenderhane camii.