7 Février 2011
Le quartier de Karaağaç, situé sur la rive ouest de la rivière Meriç, se trouve à environ 4 km au sud-ouest du centre d'Edirne. L'ancienne Andrinople fut la capitale de l'Empire ottoman en 1361 et durant près d'un siècle jusqu'à la prise de Constantinople par Mehmet II le Conquérant en 1453.
La traversée de la Meriç s'effectue par le plus vieux pont de la ville, Gazi Mihal köprüsü, construit entre 1261 et 1282 durant la dernière période de l'Empire byzantin sur ordre de l'empereur Michel VIII.
Il tire sa dénomination actuelle du commandant d'une troupe de cavalerie ottomane à l'origine de sa première restauration en 1420.
Le pont Gazi Mihal reliant le centre d'Edirne à Karaağaç, crédit photo Martine Juszcsak
Les informations quant à la naissance de Karaağaç sont limitées. Il semble que la création de ce qui a été d'abord un village s'est faite sur les restes de la ville antique Orestiada, dont le nom provient d'Oreste, fils d'Agamemnon, héros de la guerre de Troie.
Avant la domination ottomane, certains pensent que Karaağaç était une petite agglomération. Selon les travaux historiques menés par Dr Rifat Osman, célèbre historien, Karaağaç était un village du nom de Maraş lors de la conquête d'Edirne. En 1543, celui-ci est scindé en deux, Yeni Maraş (nouveau Maraş) et Eski Maraş (ancien Maraş)... qui deviendra ensuite Karaağaç.
En 1636-37, Abdurrahman Hibrî Çelebi évoque dans un de ses ouvrages le point de rencontre des rivières Meriç et Arda dont le nom équivaut à "Vieux Maraş". L'agglomération a pris son nom contemporain - l'arbre noir - de la forêt environnante.
Durant la seconde moitié du 17ème siècle, les occidentaux qui venaient visiter Edirne parlaient déjà de Karaağaç dans leur journal de voyage. L'orientaliste français Antoine Galland ainsi que le voyageur anglais Dr John Covel sont les premiers à avoir donné des informations sur la vie culturelle et sociale de ce coin de pays bien particulier. Selon Covel, il y avait à peu près 50 familles grecques qui y vivaient et près de 10 fermes et résidences d’été de familles turques.
Une ambiance bien rurale de nos jours à Karaağaç
De même, toujours au vu des écrits du voyageur, se trouvait là une petite église consacrée à Hagios Teodoros Tiron et Hagios Teodoros Stratilatis. Covel dit que, selon les croyances populaires, ces saints guérissaient ceux qui avaient les yeux malades et des assiettes en formes d'oeil étaient déposées dans cette église en guise de dons et de remerciements. En outre, Covel raconte qu’il y avait à Karaağaç la plus importante source de fabrication de vins, le plus grand négociant étant... le prêtre de l’église.
A Edirne et aux alentours, de nombreux visiteurs, parmi lesquels d’importantes figures turques, venaient ici pour boire du vin.
Au XIXème siècle, un certain Georges Keppel venu en voyage raconte que des musulmans de l’Empire ottoman ainsi que des familles européennes d’Edirne possèdaient leurs résidences d’été à Karaağaç.
Vieille demeure abandonnée à Karaağaç
Un contrat est signé le 17 avril 1869 avec le baron Maurice de Hirsch, fondateur de la Compagnie des Chemins de fer d'Orient pour la réalisation des voies ferroviaires européennes dont la ligne Istanbul-Edirne -Sarımbey dont les travaux débutent en 1870.
La structure sociale de la petite agglomération va subir des transformations conséquentes avec la construction d'une station de train.
Edirne, tout le monde descend... à Karaağaç
La première gare, réalisée selon le modèle allemand, n’est plus visible de nos jours. Celle appelée "ancienne gare" a été construite par l’architecte turc Kemalettin. La date de début de réalisation se situe entre 1911 et 1913.
Nous découvrirons dans le prochain article pour quelles raisons Karaağaç a hérité du surnom de "Küçük Paris, "le petit Paris"...