16 Juillet 2010
Samedi dernier, en plein coeur de l'après-midi, mon regard est attiré par un homme circulant dans les rues de mon quartier avec sa meule à pédale sur le dos.
Le voyant poser son outil de travail devant quelques commerces, je lâche tout pour aller à sa rencontre, ne voulant pas rater cette occasion de découvrir, et vous faire découvrir, ce métier en voie de disparition.
Mehmet bey et sa meule sur le dos
Mehmet bey, originaire d'un village de la région de Konya en Anatolie Centrale, exerce le métier de rémouleur - bileyici en turc - depuis plus de trente ans !
séance d'aiguisage
Il aiguise son premier couteau à l'âge de 16-17 ans mais devient rémouleur à 21 ans, après avoir été agriculteur dans son village.
Son grand-père, rémouleur de profession, lui a transmis à la fois son savoir... mais également sa magnifique meule en bois de gürgen qui affiche plus de 50 ans de bons et loyaux services.
Des gestes répétés des milliers de fois depuis plus de 30 ans...
Actuellement, Mehmet arrive difficilement à joindre les deux bouts. A l'époque où ses affaires étaient florissantes, sa pierre à meuler lui tenait deux mois, à présent, il la remplace ... après plus de six mois d'utilisation.
Pour aiguiser un couteau, il faut compter 10 minutes de travail pour empocher au final 1,5 TL (moins de 0,80 €), pas de quoi faire fortune...
Après l'aiguisage, le couteau est bien huilé... et avec le sourire
Mehmet parcourt ainsi, depuis 1973, les rues d'Istanbul, après avoir sillonné celles d' Isparta en 1978, de Manisa et d'Izmir en 1985.
Arpentant cinq jours par semaine, entre 8 et 10 heures par jour, les quartiers de Cihangir, de Fatih, d'Aksaray, d'Eyüp de Gaziosmanpaşa, il propose ses services à sa clientèle de fidèles, en particulier bouchers et restaurateurs.
Combien reste-t-il de rémouleurs en Turquie, très peu c'est certain !
Même s'il n'existe aucun chiffre officiel, les couteaux fabriqués en Chine, remplaçant peu à peu le traditionnel couteau fabriqué dans le pays (cf. mon article intitulé Ramazan bey, coutelier à Karamanmaraş), réduisent considérablement le travail des rares rémouleurs encore en place.
La dernière étape de travail consiste à affûter le couteau
Mehmet bey se souvient qu'il y a 20 ans, à chaque coin de rue de Beyoğlu, on voyait un rémouleur allant de maison en maison.
Il pourra toucher une retraite - bien méritée - d'ici 3 ans car d'ici là, il aura cotisé à titre individuel assez longtemps pour cela.
Mehmet bey, sympathique rémouleur de Cihangir à Istanbul
D'ici là, je sais où le trouver pour le saluer car je connais à présent le jour et le créneau horaire pour le croiser dans les rues de Cihangir. Hayırlı işler size dilerim !