2 Août 2011
Lors de la sixième édition du Festival des Mains d'Or organisée fin juillet par la mairie de Beyoğlu, Necati Korkmaz, artisan hors du commun, a présenté ses oeuvres pour la première fois à Istanbul.
Necati Korkmaz, un artisan hors du commun
Né à Ankara en 1963, il suit d'abord des études d'anthropologie avant de s'intéresser de plus près, depuis une trentaine d'années, aux arts traditionnels turcs oubliés. Il se spécialise dans les arts des tekke, effectuant des recherches longues et complexes à travers les archives et les miniatures anciennes.
Parmi ses découvertes, il retrouve ainsi la trace des teberler, haches de 70 à 100 cm de long, utilisées par les derviches durant leur voyage pour ouvrir la route en cas de besoin, mais aussi les nefirler, sorte de clairon fabriqué avec du cou de boeuf et également usité en route par les derviches ou le keşkül ü fukara, récipient réalisé soit en métal, soit en écorce de noix de coco et destiné aux aliments,... pour n'en citer que quelques-uns.
Necati Korkmaz durant l'édition 2011 du Festival des Mains d'Or de Beyoğlu
Necati décide de redonner vie en 1990 au mütteka, un bien curieux bâton de méditation jadis utilisé par les derviches.
C'est lors de leur formation de 1001 jours où ils accomplissaient les tâches les plus humbles et diverses, et tout particulièrement pendant l'épreuve des 40 jours - et nuits - de retraite méditative durant lesquels ils priaient et chantaient sans relâche, sans quasiment s'alimenter et dormir, qu'ils utilisaient le mütteka.
Deux des mütekka présentés au Festival des Mains d'Or
Lorsque la fatigue se faisait ressentir, le postulant posait ainsi sa tête, son front ou bien un côté du visage sur ce bâton pour se reposer un court instant.
Comment se servir d'un mütteka...
Le mütteka, fort usité au XVIIIème siècle, est tombé en désuétude en Turquie à partir de 1925, lorsque les couvents de derviches ont été obligés de fermer leur porte.
Détail d'un mütekka
Ce support - dont le nom, d'origine arabe, signifie "appui" - est réalisé à partir de bois de châtaignier et la pointe d'appui inférieure parfois en os de chèvre.
Il peut-être orné de décorations particulières en argent et d'incrustations en gubari hat yazımı, en l'occurrence la calligraphie sur des supports de taille infime..
Hatt-ı gubari sur des lentilles
Si une journée de travail est nécessaire pour réaliser un mütteka basique, il faut compter trois jours lorsque celui-ci est particulièrement élaboré.
Selon la taille et l'ornementation, le prix de vente se monte à 150 TL pour un petit modèle de base (soit un peu plus de 60 € actuellement), 700 TL pour un grand modèle (env. 290 €) et peut atteindre 2000 TL (env. 830 €) lorsque celui-ci est richement décoré.
Détail d'un mütekka fort richement décoré
Depuis 1985, Necati perpétue également l'art très particulier du gubari hat yazımı, effectué sur des lentilles, des morceaux de haricots blancs ou de céramique, à l'aide d'un microscope et d'un pinceau bien spécial... à savoir une moustache de renard.
Un travail de minutie et de patience...
Selon la complexité de l'écriture ou du dessin réalisé, un à trois jours de travail sont nécessaires pour exécuter un exemplaire.
Cet artisan exceptionnel, qui a fait renaître des arts traditionnels oubliés, compte parmi sa clientèle tant des derviches - surtout de Konya - que des collectionneurs qui peuvent commander les mütteka, teber, keşkül ü fukara et hatt-ı gubari de leur choix.
Un derviche peut être dessiné sur un morceau de haricot blanc ou une lentille...
Les joueurs de ney, flûte traditionnellement usitée dans le milieu soufi, trouveront également auprès de Necati des étuis en feutre très esthétiques pour y ranger leur instrument ainsi que des modèles pour les mütteka.
Etui à ney
Necati Korkmaz (anglophone)
Libya Cad. N° 56/1 - Çankaya/Ankara
Mail : necatiankara@yahoo.com - GSM : 0535 771 53 35