16 Décembre 2010
Reportage réalisé avec le concours de Yves-Marie LAOUENAN et de
La Turquie regorge, tant sur sa côte égéenne que méditerranéenne, d'innombrables sites antiques de tout premier ordre dont certains sont finalement peu connus, le prestige écrasant de lieux aussi célèbres qu'Ephèse ou Aspendos les reléguant au second plan.
Et pourtant, nombre d'entre eux méritent largement le détour, tel Xanthos, inscrit depuis le 9 décembre 1988 au Patrimoine Mondial de l'UNESCO, situé entre Fethiye et Kaş, sur la "Voie lycienne".
Visiter Xanthos, situé au bord de l'estuaire du Xanthe, revient à faire un voyage dans le temps qui remonte jusqu'à 7 siècles av. J.-C., des tessons de poterie de cette époque attestant de l'occupation du site.
Vue panoramique partielle du site de Xanthos, notamment l'acropole lycienne et le théâtre
Les Lyciens en firent leur prestigieuse capitale mais Romains et Byzantins y laissèrent également des traces importantes par la suite.
L'acropole lycienne, surplombant le théâtre de Xanthos, et ses demeures
Xanthos est à l'origine un réduit fortifié érigé sur la rive gauche du Xanthe, petit fleuve appelé aujourd'hui Eşen Çayı, et qui dévale les proches montagnes du Taurus.
La mer, qui, aujourd'hui, se trouve à quelques kilomètres de là, s'échoue à l'époque plus près du site dont elle est séparée par un marécage.
Vue sur le Xanthe du haut de l'acropole lycienne
Xanthos la lycienne, plus grand ville de la région, connaît son apogée entre 546 - lors de sa conquête par le général perse Harpage - et 334 av. J.-C. où Alexandre le Grand va à son tour conquérir la région et l'intégrer au monde grec.
De cette période dite "classique", elle hérite son nom qui signifie en grec "blond" ou "jaune".
Tombeau lycien dans l'agora romaine, formé d'un soubassement à degrés et comprenant une chambre basse partiellement taillée dans la pierre
La Lycie est donnée à l'île de Rhodes qui l'administre de 188 à 166 av. J.-C. Après une période de guerre civile, Xanthos et les alentours intègrent la province romaine de Lycie nouvellement créée, avant d'être rattaché en 395, lorsque meurt l'empereur Théodose, à l'empire romain d'Orient.
Le decumanus de Xanthos, dont la mise au jour, débutée il y a 5 ans, se poursuit
Du V au VIIème siècle, Xanthos est chrétienne et connaît ainsi sa dernière période de grandeur. Elle devient même au Vème siècle le siège d'un évêché.
A l'intérieur du siège de l'évêché de Xanthos à l'époque byzantine
Les razzias des Perses suivies par celles de la flotte arabe, la peste et les tremblements de terre vont avoir raison de Xanthos qui va mourir à petit feu après cette ultime époque de gloire.
Pendant la période byzantine, sur le site alors occupé par des tribus - turcomans ou turcmènes - une église et un cimetière ont été érigés. Mis au jour récemment, ils pourront, après études scientifiques, apporter plus de renseignements sur cette ère.
Le cimetière byzantin, objet de fouilles approfondies durant la mission 2010, et à l'arrière-plan l'emplacement de l'église de la même période
Des villageois, derniers Lyciens devenus Grecs Byzantins, demeurent là, dans les ruines d'un passé prestigieux révolu, à l'arrivée des Turcs, et survivent aux troubles du Moyen-Age.
Kınık, nom d'une tribu turcmène, est attribué au village dont dépend aujourd'hui Xanthos.
Lors d'un déplacement effectué en Asie Mineure en 1838, le voyageur anglais Charles Fellows découvre le site de Xanthos où vivent alors pauvrement quelques paysans grecs, les autres habitants de Kınık s'étant installés à quelques centaines de mètres au pied du site.
C'est lui qui, le premier, obtient des autorisations officielles pour mener des fouilles, notamment en 1842 et 1844.
Les vestiges du monument des Néréides de Xanthos, découvert en 1840 par Charles Fellows, visible aujourd'hui au British Museum de Londres où il a été entièrement reconstitué
A la fin du XIXème siècle, un épigraphiste et un architecte autrichiens effectuent des prospections à trois reprises, recueillant les inscriptions antiques.
En 1950, le gouvernement turc concède la fouille de Xanthos à la France qui souhaite entretenir ses relations diplomatiques avec la Turquie.
Grâce au travail réalisé par les scientifiques français en partenariat avec les confrères turcs, elle contribue ainsi à la recherche et à la préservation des cultures et des vestiges laissés par les civilisations passées.
Sarcophage lycien surélevé, datant du IVème siècle av. JC. Si le sarcophage s'est avéré vide, comme toujours, un vase en faïence égyptienne ainsi que quelques bijoux, exposés aujourd'hui au musée d'Antalya, ont été découverts dans le soubassement creux
Nous aurons l'occasion de faire connaissance avec cette mission dans le cadre de plusieurs articles à venir, mais avant cela nous poursuivrons par une petite visite guidée du site dès demain.
Sources : Guide de Xanthos et du Létôon de Jacques des Courtils - éd. Yayınları