24 Janvier 2011
En juin dernier, vous avez fait la connaissance de deux charmantes étudiantes turques, Merve et Begüm, parties toutes deux à Mulhouse, dans mon memleket, pour y réaliser un semestre dans le cadre de leurs études pour devenir traductrices-interprètes.
Merve part la première le 5 septembre dernier et atterrit à l'aube, accueillie par un couple d'amis mulhousiens venus la cueillir à la descente de l'avion. Ils ont immédiatement répondu "présents" lorsque j'ai adressé un mail à toutes mes connaissances alsaciennes pour les informer que cette jeune étudiante ne pouvait de suite intégrer sa chambre universitaire et cherchait une solution de dépannage à l'arrivée.
Sa première impression fut un sentiment de peur, du fait d'être seule, sans amis à ses côtés. "Où suis-je, qu'est-ce que je fais ici ?" sont les questions qui lui sont venues à l'esprit.
Un tour de ville lui permet de prendre quelques repères, de faire connaissance avec cet environnement inconnu.
Merve fait connaissance avec Emma, la célèbre cigogne ! Crédit photo Hubert Longépé
Le lendemain, Merve se rend au foyer de l'Université de Haute-Alsace où elle sera logée. Peu d'étudiants étrangers sont arrivés, les cours débutant le 13 septembre. Le premier soir sur place, des larmes vont couler sur ses joues. Malgré ses 20 ans, Merve est autonome depuis presque trois ans, puisqu'elle fait ses études à Istanbul alors qu'elle est originaire de Bursa. Mais là, le fait d'être à l'étranger, de ne connaître personne, de ne pas pouvoir appeler un proche, change forcément la donne.
Begüm arrive le 9 septembre avec son père et sa venue ressemble plus, sur le moment, à des vacances. Après une escapade d'une journée tous les trois à Paris, puis à Strasbourg. nos deux Erasmus se retrouvent dans leur petite chambre universitaire.
Begüm devant la collégiale de Thann - crédit photo Hubert Longépé
Tous les amis que Merve et Begüm se sont faits depuis qu'elles vivent à Mulhouse sont... étrangers. Les premiers d'entre eux, avec lesquels Merve fait connaissance à son arrivée , sont une jeune italienne et un marocain qui effectue un master. Et les étudiants français, dans tout ça ? Dans le bâtiment où elles sont hébergées, il n'y a que des étrangers, soit.
Les cours certes ne sont pas vraiment prévus pour qu'on y parle... autre chose que ce qui est nécessaire, mais durant les récréations ou le déjeuner,... elles sont "comme des étrangères". La communication ne se fait pas comme en Turquie, de manière spontanée... Les échanges entre ces ceux catégories d'étudiants restent strictement "scolaires" et en-dehors, ils ne se fréquentent pas... et c'est bien dommage !
Seule une jeune franco-espagnole vivant en Espagne et qui a terminé sa période estudiantine mulhousienne en décembre était plus proche.
A la découverte des marchés de Noël alsaciens - crédit photo Hubert Longépé
Hormis certains de mes amis alsaciens qui ont la bienveillance et la gentillesse d'inviter nos deux charmantes étudiantes, qui à partager un repas, qui à leur faire visiter un peu la région, les échanges avec la population locale reste bien limités...
Nos deux Erasmus mettent ce peu d'entrain de la plupart des Français, notamment des étudiants, à aller vers l'autre, à communiquer avec l'étranger, sur le compte de la timidité...
Merve et Begüm devaient rester jusqu'au 25 janvier en Alsace. Leurs professeurs mulhousiens estiment que 4 mois sont insuffisants pour parfaire la langue. Une seule des deux peut, au départ, prétendre rester jusqu'en juin. Finalement, grâce à l'intervention d'Oya Soner, leur dynamique professeur de français de l'Université de Marmara à Istanbul, elles peuvent chacune bénéficier d'une extension jusqu'à la fin de l'année scolaire.
A vélo dans le vignoble du Rangen = crédit photo Hubert Longépé
Pour financer ces frais supplémentaires imprévus, elles doivent trouver des petits boulots. Les premières recherches n'ont pas abouti, ni dans le domaine du fast food, ni pour du baby-sitting... Peut-être que des restaurateurs ou des épiciers turcs de Mulhouse pourront leur proposer quelques heures de travail rémunérées par semaine...
Concernant la ville où elles passent le plus clair de leur temps depuis septembre, contrairement à la frénétique Istanbul, à 21 h à Mulhouse, voire même plus tôt "il n'y a plus un chat dehors".
Les sorties en soirée sont rares, car les dessertes en transports en commun... le sont aussi, passée l'heure du dîner. Après les cours qui se terminent en général à 17 h, elles préparent le repas, puis regardent un film sur l'ordinateur, jouent au poker ou papotent avant d'aller s'endormir dans les bras de Morphée.
Les apprenties-cuisinières dans la cuisine commune de l'étage - crédit photo Hubert Longépé
Les week-ends, les activités sont peu nombreuses, les magasins étant fermés le dimanche et la ville endormie, tout comme Merve et Begüm... bien souvent !
Lorsque je leur demande, quelle est à leurs yeux la plus grande différence entre la Turquie et la France, les réponses sont très différentes. Pour Merve, c'est le petit déjeuner ! Dans son pays d'origine, celui-ci est salé, accompagné de thé alors que dans l'hexagone, la tendance est plutôt aux croissants, aux céréales, au Nutella et au café. De même, le fait de terminer les repas principaux en France par le fromage l'a beaucoup étonnée !
Pour Begüm, c'est le comportement des automobilistes qui s'arrêtent pour laisser traverser les piétons et ignorent visiblement qu'ils disposent d'un klaxon. On est bien d'accord, ça change radicalement d'Istanbul !
Begüm et Merve durant leurs vacances semestrielles à Istanbul
Elles ont aussi constaté que dans les cafés, la musique est en sourdine alors qu'il est parfois bien difficile de trouver un lieu vraiment tranquille en Turquie où le téléviseur, ou la musique, est branché en permanence et offre ses décibels aux clients.
Certaines découvertes culinaires régionales telles le bretzel, la quiche lorraine et le vin blanc d'Alsace... ont plu aux papilles turques, contrairement au munster et à son odeur...
Le plus mauvais souvenir à ce jour, a un visage bien différent pour chacune. Merve a eu un choc lorsque le jour de son inscription dans l'établissement scolaire, on lui a fait la remarque que c'était la première fois qu'il y avait une étudiante turque alors que son pays d'origine ne faisait pas partie de l'Union Européenne ! Bienvenue en France !
De même, lors d'un cours spécifique pour les Erasmus, le professeur demande à chaque élève d'évoquer le principal problème selon lui dans son propre pays. Une étudiante répond qu'avant il y avait le communisme, maintenant l'islam... Merve et Begüm étant alors les seules musulmanes de la classe, le professeur change de sujet, estimant celui-ci sans doute trop sensible...
Deux jolies fleurs turques au milieu des fleurs alsaciennes
Begüm a eu quelques soucis administratifs pour la délivrance de sa carte de séjour et s'est retrouvée confrontée à une employée de l'O.F.F.İ. à Strasbourg peu aimable et serviable. Grâce aux interventions téléphoniques d'un autre étudiant, puis de la responsable des étudiants Erasmus à Mulhouse, tout a fini par rentrer dans l'ordre heureusement.
Hormis ces petits désagréments, les bons moments sont bien plus nombreux. Quelques sorties, organisées, soit pour les Erasmus, soit entre amis, leur ont permis de découvrir Strasbourg, Colmar, la route du Vin et certains villages, la proche ville de Freiburg en Allemagne, mais aussi Amsterdam (vive les low-cost) et Barcelone où elles iront en février.
Si Merve a l'habitude d'une certaine forme de liberté, son amie apprécie cette expérience... même si elle aime aussi la vie en famille, les deux apportant des aspects positifs et négatifs. La distance aidant, il est tout de même plus difficile de refuser à sa fille d'aller à Barcelone que de l'empêcher d'aller voir une amie qui habite dans le quartier voisin...
Escapade à Kaysersberg - crédit photo Hubert Longépé
Mais revenons au cours - une vingtaine d'heures/semaine - qui se déroulent en français, hormis ceux de langue étrangère évidemment. Merve s'est mise à l'espagnol depuis la rentrée, langue apprise depuis un an par Begüm, en plus de l'anglais que toutes les deux pratiquent.
Certains cours, dispensés uniquement aux Erasmus, et qui suivent le même programme qu'auraient Merve et Begüm dans leur classe en Turquie, accueillent environ 25 élèves. Les autres, auxquels assistent une trentaine de jeunes, la plupart français, permettent à Merve et Begüm d'étudier par exemple les techniques d'expression française orales et écrites, la critique littéraire. La littérature francophone, facultative, est dispensé à 3 élèves, un vrai cadeau pour nos deux charmantes étudiantes qui ont quasiment le professeur pour elles toutes seules ! Les unités manquantes, telles par ex. la littérature turque, devront être rattrapées au retour à Istanbul pour leur validation.
Des examens semestriels ont eu lieu en décembre pour chaque cours et les résultats sont plus qu'encourageants pour toutes les deux. Les professeurs français ont en tout cas la cote et semblent faire preuve de patience et de bon vouloir pour que leurs élèves étrangers puissent suivre les cours de façon satisfaisante.
Sourire aux lèvres à l'heure de notre rendez-vous devant le Consulat de France d'Istanbul
Begüm aimerait bien poursuivre ses études, à l'issue de l'année qu'il lui reste à faire en Turquie, avec un master en France. Merve serait bien tentée aussi par le même parcours à la Sorbonne, mais tout est question de finances, car faire des études, qui plus est à l'étranger, est bien coûteux !
Même si Merve et Begüm ont été ravies de passer leurs vacances semestrielles dans leurs familles respectives, Mulhouse et leurs amis venus des 4 coins de l'Europe leur manquent. Begüm est repartie hier et Merve viendra la rejoindre le 2 février pour attaquer cette seconde partie de l'année scolaire après avoir rechargé les batteries en Turquie.
Kolay gelsin kızlar !