Faire connaître la Turquie et ses habitants avec les yeux d'une alsacienne qui y vit depuis 20 ans.
26 Septembre 2011
Si, par le passé, Istanbul a connu des incendies ravageurs réduisant en fumée d'innombrables maisons en bois, il arrive encore de temps en temps que le feu emporte avec lui un bout de l'âme de la ville.
Il était une fois une belle demeure en bois istanbouliote...
Combien de fois ai-je regardé cette impressionnante bâtisse érigée sur trois étages dépassant derrière la barrière qui la séparait de l'avenue reliant la place de Taksim au pont Atatürk ?
... qui survivait dans le quartier de Şişhane à Beyoğlu
A quelques reprises, lorsque j'étais à pied, je me suis arrêtée, admirant les restes de sa beauté passée, sans aucun doute somptueuse.
Les traces visibles de son élégance d'autrefois
Lorgnant derrière les subtils encadrements de fenêtre, je voyais de ci, de là, les traces d'un magnifique plafond ou celles des murs aujourd'hui défraîchis.
Chaque fois, je me disais qu'il fallait revenir pour l'immortaliser en entier, sous toutes les coutures, avant qu'un jour elle ne disparaisse mais elle ne m'a pas attendue.
C'est là, derrière la place occupée par le premier taxi, qu'on la voyait...
Depuis une vingtaine d'années environ, plus personne ne l'habitait et elle dépérissait, petit à petit, au fil du temps, comme une fleur qu'on oublie d'arroser.
C'est finalement le 13 septembre 2011 qu'elle a rendu son dernier souffle, emportée en une heure par les flammes qui ont eu raison d'elle.
Ce qu'il reste aujourd'hui avant que les restes ne soient évacués...
Dans l'avenue Evliya Çelebi, en fin de matinée, la panique s'empare un moment de cette voie de passage toujours très fréquentée jusqu'à ce que le feu soit circonscrit par les pompiers venus en nombre des casernes de Beyoğlu, Şişli et Fatih.
Cette vidéo visible sur le site "haber.video.mynet.com" permet de mesurer l'ampleur du sinistre.
L'imposante bâtisse faisait de l'ombre à la fontaine ottomane voisine
Les plantes grimpantes ne l'habilleront plus délicatement comme elle l'ont fait jusqu'à ses dernières minutes de vie.
Sur les restes calcinés de son imposante façade d'antan, la plaque indique encore "Yasmak sıyıran Caddesi" l'ancien nom de l'avenue.
Quelques décombres reposent sur le toit de la fontaine ottomane adjacente.
Dans la ruelle qui permet d'accéder à la façade latérale, la plaque de rue est aussi visible et devant le bout de mur qui tient encore en place, une malle semble attendre son propriétaire pour lui livrer peut-être ses derniers secrets.
Les chats du quartier ont élu domicile là et jouent aux équilibristes au milieu des planches et poutres vêtues d'un linceul noir.
Le propriétaire serait un armateur vivant à l'étranger qui peut-être n'a pas eu envie de préserver cette demeure historique du quartier de Şişhane en lui offrant une cure de jouvence que j'espérais secrètement pour elle.
Elle l'aurait bien mérité mais la vie en a décidé autrement.
D'ici quelques jours ou quelques semaines, la place où elle aura vécu si longtemps aura été débarrassée de son cadavre calciné et il ne restera plus que les souvenirs et les photos...